Les engrais organiques, un des piliers de l'agriculture régénérative. Mais comment bien les choisir ?

09 janvier 2024

par
Lise
Les effluents d'élevages, premières sources de matière fertilisante d’origine résiduaire
Les effluents d'élevages, premières sources de matière fertilisante d’origine résiduaire

Introduction

Dans un contexte de population croissante d’après seconde guerre mondiale, le défi majeur des acteurs des champs était de “nourrir le monde”. Les recherches sur les armes chimiques pendant les guerres ont par la ensuite contribué à celles sur les fertilisants minéraux. De même les avancées mécaniques pendant la guerre ont considérablement accéléré l’arrivée des tracteurs. Dès lors et ce pendant un demi siècle, les rendements agricoles connaissent une hausse continue. Pour exemple, le rendement du blé français passe de 15q/ha en 1945 à 70q/ha cinquante ans après. C’est au début du XXe siècle qu’apparaissent les premiers fertilisants azotés minéraux, synthétisés par l'industrie chimique : sulfate d'ammonium en 1913, nitrate d'ammonium en 1917 (procédé Haber-Bosch), urée en 1922.

Un siècle plus tard, l’agriculture et la sylviculture représentent 19% des émissions françaises de gaz à effet de serre, dont presque 40% sont issues de la fertilisation des cultures. Ainsi ces activités impactent la qualité des sols, la santé humaine et la biodiversité. En outre, l’agriculture est devenue très dépendante des engrais de synthèse. Selon l’INRAE, la France est le 7e consommateur d’engrais minéraux dans le monde, avec environ 3,5 millions de tonnes d’éléments fertilisants consommés chaque année, représentant environ 2% du marché mondial. L’agriculture française ne dépend pas uniquement de la fertilisation minérale, puisque celle-ci ne représente que 45% de la fertilisation totale, contre 55% pour les fertilisants organiques. La France dispose encore d’une industrie de production d’engrais importante, et la part des engrais non importés représente, en 2012, 40% du marché français d’après l’Union des Industries de la Fertilisation (UNIFA). Mais ces industries doivent importer la quasi-totalité des matières premières nécessaires.

L’agriculture régénératrice aussi appelée agriculture régénérative prend alors le contre-pied des pratiques de l’époque. Ses 5 piliers sont : la couverture maximale du sol, la diversification et allongement des rotations culturales, la réduction du travail du sol, la réintégration de l’élevage et de l’agroforesterie et enfin la stimulation de la fertilité naturelle des sols en favorisant les apports d’engrais dits naturels ou organiques (fumier, compost etc..) plutôt que les engrais de synthèse.

La fertilisation organique permet d’apporter les éléments nutritifs nécessaires aux micro-organismes et à la plante. L’épandage de produits résiduaires organiques (PRO) ou l’introduction de légumineuses dans le système de culture (culture intermédiaire ou culture principale) permettent ces apports de matière organique. Les PRO regroupent les effluents d’élevage, les effluents agro-industriels (vinasses de sucrerie de betterave…) et les effluents urbains (boues de station d’épuration, composts de déchets urbains…). D’après l’Ademe, en 2018 :

  • 94% des matières fertilisantes d’origines résiduaires épandues correspondent aux effluents d’élevage, soit 685 millions de tonnes
  • 73 % des boues de station d’épuration sont épandues (dont 31% après compostage)
  • 35 % des déchets industriels organiques sont épandus (dont 8% après compostage)

Contrairement à la fertilisation minérale, tous les éléments nutritifs ne sont pas directement assimilables pour la plante. Une partie de la matière organique se dégrade par les micro-organismes du sol au cours des mois, d’années. La matière organique est constituée de matière minérale et de matière organique. Cette dernière correspond à une partie stable, l’humus, et une partie labile, la fraction dégradable.

I. Les intérêts des engrais organiques par rapport aux engrais minéraux

Les avantages des fertilisants organiques sont multiples par rapport aux fertilisants de synthèse.

  1. Dimension agronomique et effet amendement
  2. Dimension environnementale et pollution des eaux
  3. Production de fertilisants sur la ferme
  4. Prix indépendant de celui du gaz

1. Dimension agronomique et effet amendement

D’un point de vue agronomique, certains fertilisants organiques possède un effet dit “amendant” que les fertilisants minéraux ne peuvent apporter. En s’associant à l’argile, les matières organiques accroissent la stabilité du sol et retiennent l’eau et de nombreux éléments nutritifs. La porosité du sol est améliorée, l’eau et l’air circulent mieux dans le profil du sol colonisé par les racines. Ainsi le sol est enrichi et la vie biologique du sol est également favorisée.

De plus, un choix judicieux du fertilisant organique permet de jouer sur la rapidité de mise à disposition des éléments nutritifs pour la plante. En effet, l’azote organique n’est pas directement disponible pour la plante. Une minéralisation est nécessaire par les micro-organismes du sol. Cette minéralisation est plus ou moins longue selon la nature du produit organique et les conditions pédoclimatiques. De fait, la mise à disposition de l’azote minéral issu de cette minéralisation est progressive et partielle.

2. Dimension environnementale et pollution des eaux

D’un point de vue préservation de l’écosystème, les fertilisants organiques limitent les pertes par lixiviation (solubilisation d’éléments solides dans l’eau) par la libération progressive des éléments nutritifs lors de la minéralisation. Néanmoins, les ions nitrates et phosphates (chargés négativement), libérés suite au processus de minéralisation peuvent être transférés vers les eaux souterraines par lixiviation, s’ils ne sont pas assimilés par les plantes, car peu retenus par le complexe argilo-humique du sol (chargé négativement également).

3. Production de fertilisants sur la ferme

D’un point de vue de l’autonomie de la ferme, l’utilisation de ses propres produits résiduaires d’origine organiques (PRO) permet de gagner en indépendance par rapport aux industries chimiques productrices des fertilisants minéraux. C’est pourquoi il est pertinent d’associer l’élevage à la polyculture, car les co-produits du premier peuvent servir de fertilisant pour le second. Si aucun poste d’élevage n’est présent sur l’exploitation, des partenariats locaux peuvent être créés avec les agricultrices et agriculteurs voisins. Ces derniers peuvent être des éleveurs pour réaliser des échanges de résidus de paille contre du fumier. Un autre cas serait celui où les voisins possèdent un méthaniseur. Les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) des exploitation en grandes cultures peuvent alors être échangées contre du digestat. Voici donc deux sources d’apports d’engrais organiques pour les fermes spécialisées en grandes cultures.

4. Prix indépendant de celui du gaz

Contrairement au prix des engrais minéraux azotés, le prix des fertilisants organiques n’est pas corrélé à celui du gaz. Le gaz naturel est la principale matière première utilisée pour la fabrication des engrais azotés. Son prix détermine donc en grande partie les prix des engrais azotés. L’union des industries de la fertilisation (UNIFA) estime que le gaz naturel représente aujourd’hui plus de 50 % du prix de vente d’un engrais azoté. Cela engendre une variabilité très marquée pour le prix des engrais azotés. Pour exemple, une tonne d’urée avait un prix constant de 250€ avant novembre 2020 et s’est élevé jusqu’à plus de 900€ en septembre 2022.

II. Les engrais organiques alimentent la plante et les micro-organismes du sol

La fertilisation organique apporte notamment des cations (Ca2+, Mg2++, K+) fixés au complexe argilo-humique (chargé négativement). Les poils absorbants des plantes prélèvent ensuite dans le sol ces éléments pour la croissance et le maintien de la plante.

Les ions négatifs essentiels à la structure du végétal sont NO3-, SO4- et H2PO4-. Les anions résident dans les pores du sol et peuvent donc être lessivés par forte pluie. Par exemple, dans un sol sableux, 10mm de pluie peuvent entrainer les nitrates jusqu’à 10 cm de profondeur.

L’élément le plus limitant reste l’azote pour la croissance et le maintien de la plante. Pour rappel, une fertilisation organique ne permet pas d’apporter directement de l’azote assimilable par la plante. En effet, les micro-organismes du sol minéralisent cet azote organique pour le rendre prélevable par le végétal.

Nitrification par les micro-organismes du sol pour rendre assimilable la matière organique par la plante
Nitrification par les micro-organismes du sol pour rendre assimilable la matière organique par la plante (©ReSoil, 2024), Légende : NH4+ = ammonium, NO2- = nitrite, NO3- = nitrate

De plus, au cours de leur minéralisation, les micro-organismes du sol libèrent de la matière organique de la glomaline. Cette molécule joue le rôle de “colle” du sol et lui permet ainsi de gagner en structure.

Ainsi, les apports de carbone issus de la matière organique ne sont pas directement essentiels à la plante mais le sont au bon fonctionnement des micro-organismes. Ces derniers rendent alors assimilable l'azote essentiel à la plante.

III. Avantages agronomiques par type d’engrais organiques

Les fertilisants organiques peuvent jouer un rôle d’engrais et/ou un rôle d’amendement. Le premier fertilise rapidement la culture en apportant directement des éléments nutritifs assimilables pour la plante. L’effet est ici à court, moyen terme. Le second permet une libération très progressive des éléments nutritifs à la culture. L’effet est à moyen, long terme. Il nourrit la vie microbienne du sol et apporte de la structure au sol. Un pourcentage élevé en matière organique dégradable indique une matière organique labile. Au contraire, un faible pourcentage indique que la matière organique est humigène.

Un amendement est un fertilisant avec un rapport C/N élevé (relargue peu d’azote). C’est le cas des fertilisants paille de blé ou les écorce de pin. Il est intéressant d’en épandre avant une légumineuse.  Au contraire, les engrais avec un rapport C/N bas (relargue plus d’azote), comme des lisiers ou des fientes, peuvent être épandus avant une culture gourmande en azote.

Le coefficient d'équivalence engrais (Keq) permet d’exprimer l'efficacité d'un engrais organique par rapport à un engrais minéral de référence (superphosphate triple pour le P, nitrate d'ammonium pour l'N). Par exemple, selon le comité français d’étude et de développement de la fertilisation raisonnée (COMIFER), si est réalisé un apport de 100 unités d’azote de fumier de volaille sur un colza en fin d’été, alors il est supposé que l’azote minéral assimilable par la plante pour la culture en place est entre 10 et 20 unités d’azote efficace/

Coefficient d'équivalence engrais azoté (Keq) des principaux fertilisants organiques (Source : COMIFER)
Coefficient d'équivalence engrais azoté (Keq) des principaux fertilisants organiques (Source : COMIFER)

  1. les fientes et les lisiers
  2. les fumiers de porcs et de bovins
  3. les digestats de méthanisation
  4. les boues de station d’épuration urbaine
  5. les composts et bio-déchets
  6. la vinasse (résidus liquides de liqueurs alcooliques)

1. Les fientes et les lisiers

Surtout issus de l’élevage avicole, des porcs et bovins, ces fertilisants minéraux ont une valeur fertilisante azotée importante, proche des engrais minéraux, mais une valeur amendante faible. Le Keq du lisier de porcs est 50% plus élevé que le fumier de volailles (pour toutes les cultures de céréales de printemps et automne, lorsque l’apport se fait à la sortie de l’hiver-printemps).

Ils sont à épandre sur une culture en croissance, en sortie d’hiver ou au printemps. Il n’est pas conseillé à l’automne, et interdit sur les sols inondés, enneigés et gelés en zone vulnérable. Ces effluents peuvent être utilisés en fin d’été sur un colza, à faible dose, ou avant le semis d’une culture intermédiaire dans la limite réglementaire.

2. Les fumiers

Issus des porcs, des bovins et des volailles, ces sources de fertilisation organique ont une valeur fertilisante azotée faible et une valeur amendante moyenne. Il est intéressant de constater que le coefficient d’équivalence engrais du fumier de bovin ou volailles est en moyenne 2 à 3 fois moins élevé lorsque l’apport est effectué en été par rapport au printemps.

Ils peuvent être épandus avant l’implantation de cultures de printemps en tête de rotation (maïs, colza, betterave) ou de cultures d’hiver. En zone vulnérable, les fumiers compacts peuvent être épandus sur sols gelés. Leur faible teneur en azote minéral permet un épandage à l’automne tout en limitant le risque de lixiviation des nitrates dans les eaux.

3. Les digestats de méthanisation

Les digestats ont une valeur fertilisante azotée et une valeur amendante élevée.

Comme les lisiers, l’épandage des digestats est recommandé au printemps, sur une culture intermédiaire ou sur une culture destinée aux méthaniseurs. Leur pH, fréquemment plus élevé que celui des lisiers accroît le risque de volatilisation d’ammoniac après épandage. C’est pourquoi il est important d’utiliser des pendillards ou des injecteurs et d’enfouir celui-ci lorsque c’est possible.

4. Les boues de station d’épuration urbaine

Elles ont une valeur fertilisante élevée, avec une bonne teneur en phosphate. Leur effet amendant est proche de celui des lisiers, à savoir bas.

Malgré cela, elles sont utilisables plutôt au printemps en raison de la présence d’azote ammoniacal et d’une minéralisation de l’azote organique progressive mais importante.

5. Les composts et biodéchets

Ils sont reconnus pour leur valeur amendante élevée et ont une très faible disponibilité immédiate de l’azote.

Ils peuvent être épandus à tout moment de l’année.

Composter les fumiers issus de son exploitation présentent certains avantages :

  • La gestion des fumiers est complexes. D’abord, les fumiers sont souvent stockés dans de mauvaises conditions. Ils sont rarement protégés de la pluie qui lessive une grande partie des nutriments. Ensuite les tas volumineux de fumiers stockés ne sont pas retournés. L’air ne circule pas et ce sont des bactéries anaérobies qui se développent. Ainsi du méthane est émis des tas de fumiers et les conditions anaérobies sont néfastes à la vie du sol.
  • Eviter le salissement en détruisant les graines adventices et donc diminuer les indices de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT).
  • Pour apporter moins de tonne de fertilisant à l’hectare et donc diminuer le nombre de passage au champ (et ainsi aussi réduire sa consommation de carburant).
  • Il permet de mieux digérer les résidus de paille.

Les déchets verts et bois broyés ont un ratio C/N élevé. Ils ont donc beaucoup de carbone (plus ou moins lignifiée) qui stimule les champignons saprophytes (qui se nourrissent de la matière organique morte) qui sont également très importants dans le cycle des nutriments.

6. La vinasse

Issus des résidus liquides de l’industrie du sucre ou de l’éthanol, la vinasse a une faible valeur fertilisante azotée et une faible pouvoir amendant donc une forte disponibilité en matière organique dégradable.

La vinasse peut être épandue très efficacement à l’automne ou au printemps avant l’ensemencement.

Comparaison des fertilisants organiques en fonction des coefficients de minéralisation de l’azote et du carbone
Comparaison des fertilisants organiques en fonction des coefficients de minéralisation de l’azote et du carbone (Chabalier et al, Chambre d’Agriculture de la Réunion, 2006)

Une fois que son choix s'est porté sur un fertilisant organique en fonction de son pouvoir amendent ou engrais, reste encore à prendre en compte la différence de volume que ce choix implique. En effet, les doses (tonnes de fertilisant organique/ha) à apport d’unités d’azote assimilable par la culture en cours varient fortement d’un engrais organique à un autre :

À unité d'azote assimilable par la culture en place équivalent, comparaison des volumes à apporter de différents engrais organiques par rapport au fumier de bovin
À unité d'azote assimilable par la culture en place équivalent, comparaison des volumes à apporter de différents engrais organiques par rapport au fumier de bovin, dans le Centre Val de Loire (©ReSoil, 2024)

Par exemple, à apport équivalent d’unité d’azote assimilable par la culture en place, il faudrait 90% moins de tonnes de vinasse/ha par rapport au fumier de bovin. Au contraire, sur une culture de printemps, il faudrait 180% plus de tonnes de lisier de bovins par rapport au fumier de bovin.

IV. Engrais organiques et impacts climatiques

ReSoil accompagne les agriculteurs dans leur transition vers l’agriculture régénératrice en leur proposant une aide agronomique et financière. ReSoil s’inscrit pour cela dans la démarche du Label bas-carbone. Pour calculer les émissions de gaz à effet de serre et le stockage de carbone dans les sols au niveau de l’exploitation, cette méthode calcule la réduction d’émission. Pour cela, les émissions directes et indirectes liées à l’origine de l’engrais, son utilisation et son devenir sont prises en compte. Voici les impacts en tonne équivalent CO2 pour les différents engrais organiques.

Comparaison des impacts climatiques de différents engrais organiques
Comparaison des impacts climatiques de différents engrais organiques (©Resoil, 2024)

Par exemple, par son bilan net positif, le digestat solide stocke plus de carbone qu’il n’émet de gaz à effet de serre. Il permet donc de stocker presque 1 tCO2eq/ha/t de produit épandu. Au contraire, la boue déshydratée non chaulée, avec un bilan net négatif, émet plus de gaz a effet de serre que ne contribue à stocker du carbone dans les sols. Elle génère presque 0,8 tCO2eq/ha/tonne de produit épandu de gaz à effet de serre.

Les composts et boues de stations d’épuration impactent fortement et négativement l’empreinte carbone de l’exploitation. En effet, la méthode de calcul du Label bas-carbone prend en compte l’analyse de cycle de vie (ACV) de ces fertilisants organiques. Leurs émissions sont fortes notamment par leur production en amont de l’exploitation.

ReSoil accompagne les agriculteurs dans le choix de l’engrais organique le plus pertinent pour leur exploitation, tout en limitant leur impact sur l’environnement. Ci-dessous un tableau récapitulant pour chaque engrais organique leur effet amendent ou engrais et leur impact sur l’empreinte carbone de l’exploitation.

Comparatif entre les externalités agronomiques et climatiques pour différents engrais organiques
Comparatif entre les externalités agronomiques et climatiques pour différents engrais organiques (©ReSoil, 2024)

V. Quelques limites à l’utilisation d’engrais organiques

Une fois l’effet amendent/engrais du fertilisant organique pris en compte, en plus de son impact sur l’environnement, certains éléments dirigent encore le choix de l’agriculteur.

  1. Un stockage des fertilisants organiques à bien réfléchir
  2. Utiliser le matériel d’épandage adéquat pour limiter les pertes
  3. Choisir le fertilisation organique en fonction de son budget
  4. Veiller à respecter la réglementation : la Directive Nitrates
  5. Solutions pour faire face aux tensions d'approvisionnement

1. Un stockage des fertilisants organiques à bien réfléchir

Pour les éleveurs, les capacités de stockage des fumiers et lisiers sur l’exploitation reste souvent un facteur limitant. Dans épandages de fin d’été ou de début d’automne sont parfois réalisés pour vider les fosses avant l’hiver. Le lisier produit en hiver est entreposé jusqu’à la fin de la période d’interdiction. Les installations doivent être étanches pour éviter les pertes et contamination des eaux et sols. Le bâchage des fosses permet de réduire de 60% la volatilisation d’ammoniac et d’augmenter les capacités de stockage en empêchant l’infiltration d’eau de pluie.

En compostant les effluents, une partie de la plateforme fumière peut être libérée en transférant la matière vers le composteur. Et outre la possibilité d’épandre un compost sur une période plus longue.

2. Utiliser le matériel d’épandage adéquat pour limiter les pertes

40 à 50 % des émissions d’ammoniac se produisent le premier jour après l’épandage des effluents. Ainsi leur incorporation doit se faire dans les toutes premières heures. Pour exemple, l’enfouissement dans l’heure permet pour un fumier de réduire ses émissions d’ammoniac de 90 % et pour un lisier de 80%.

D’après l’Ademe, l’utilisation d’un pendillard (en comparaison aux buses à palettes) ou de sabots déposant le lisier sous la végétation permet de diminuer respectivement de 10 à 55 % et de 40 à 70 % les émissions d’ammoniac. L’injection directe dans le sol réduit la volatilisation de 50 à 90 % (moins performant sur sol sec). Sur prairie, les disques ou patins tranchant sont efficaces pour réduire les émissions.

3. Choisir le fertilisation organique en fonction de son budget

Une fois avoir choisi le fertilisant organique adéquat pour son sol et son système, il reste à vérifier le coût d’achat de celui-ci.

Ordre de grandeur de prix de différents engrais organiques
Ordre de grandeur de prix de différents engrais organiques (©ReSoil, 2024)

L’étude de l’INRAE en 2019 sur le coût de l’utilisation de fertilisants organiques montre qu’il serait plus rentable pour l’agriculteur de se tourner vers la fertilisation organique que minérale. En prenant en compte le coût d'achat, de transport, d'épandage, ainsi que les économies liées à la diminution de fertilisation minérale, l'agriculteur y gagnerait en moyenne 52€/ha/an.

En prenant compte la différence de volume à apporter pour les fertilisants organiques, à unité d'azote assimilable par la culture en place équivalent, des différences significatives de prix peuvent être observées :

A unité d'azote assimilable par la culture en place équivalent, comparaison des prix d'achat de différents engrais organiques par rapport au fumier de bovin
A unité d'azote assimilable par la culture en place équivalent, comparaison des prix d'achat de différents engrais organiques par rapport au fumier de bovin (©ReSoil, 2024)

Ainsi, pour apporter le même nombre d'unité d'azote assimilable par la culture en place, il faudrait débourser presque 90% fois moins d'argent en épandant du digestat liquide sur une culture de printemps qu'avec du fumier de bovin. En revanche, il faudrait dépenser presque 140 fois plus en épandant du lisier de porc qu'avec du fumier de bovin.

4. Veiller à respecter la réglementation : la Directive Nitrates

En 1991, l’Europe limite la quantité de fertilisant organique épandue par la Directive Nitrates.  Cette obligation réglementaire veut prévenir et réduire la pollution des eaux par les nitrates et l’eutrophisation issues des activités agricoles. C’était notamment le cas en Bretagne qui concentrait un grand nombre d’élevage porcins et donc de fertilisants organiques. Par lixiviation, de nombreux milieux aquatiques ont été saturés en azote et phosphore. Du fait de la forte disponibilité en nutriments, des algues se sont développées de manière excessives. En  consommant beaucoup de dioxygène, les algues ont asphyxié les milieux aquatiques et ont ainsi appauvri voir condamné certains écosystèmes aquatiques. C’est dans ce contexte que la Directive nitrates est désormais liée à la conditionnalité de la Politique Agricole Commune.

Elle encadre la dose maximale et les conditions d’épandage : période d’épandage, les quantités épandues (plan d’épandage), les distances d’exclusion d’épandage (par rapport aux cours d’eau, étangs, lieux de baignade, sites de pisciculture, zones de pompage d’eau potable ou habitations).

a. Dose maximale

Cette directive impose un seuil maximal à ne pas dépasser : en zones dites “vulnérables aux nitrates “ l’agriculteur ne doit pas apporter plus de 170 kg d’azote organique/ha/an.

b. Période d'épandage

La période autorisée d’épandage dépend du type d’engrais et de la culture concernée.

Il existe deux types pour les fertilisants organiques : le type I qui sont les amendements organiques et les engrais organique à C/N > 8 (ex : fumier bovin, compost) et le type II qui sont les engrais organiques à C/N < 8 (ex : lisier, digestat).

Par exemple, pour les cultures de maïs ou de printemps, l’épandage est interdit l’été-automne-hiver. Pour celles d’automne, l’épandage est interdit l’hiver pour les fertilisants type I ou interdit l’été-automne-hiver pour les fertilisants de type II.

c. Distances d’exclusion d’épandage

Généralement de 35 mètres, ces distances sont étendues à 100 mètres dans le cas d’une pente supérieure à 10 % pour les effluents liquides, et supérieure à 15 % pour les effluents solides. La présence d’une bande enherbée pérenne de 5 mètres de large permet de s’affranchir de cette interdiction. Pour les lieux de baignade et les sites d’aquaculture en particulier, ces distances sont respectivement de 200 mètres et 500 mètres.

5. Solutions pour faire face aux tensions d'approvisionnement

a. Diversifier ses activités agricoles : la pertinence du système polyculture-élevage

D’après le dernier recensement agricole de l’Agreste, entre 2010 et 2020 ce sont 30% des élevages qui ont disparu, soit 63 500 fermes. Dans ce contexte là, la production d’effluents d’élevage est elle aussi amenée à diminuer et amène donc une tension sur le marché. Cela devient un problème majeur dans les régions très marquées par les grandes cultures. Ainsi diversifier ses activités agricoles en développant un système de polyculture-élevage reste pertinent.

b. Intégrer des CIPAN ou CIVE à sa rotation culturale

Une autre solution reste l’apport de matière organique par les végétaux. Les cultures intermédiaires pièges à nitrates (CIPAN) restituent de la matière organique après destruction en sortie d’hiver. Les cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) restitue aussi de la biomasse à la récolte d’une CIVE d’hiver.

c. Valoriser les biodéchets des habitants

Enfin une autre source de fertilisant organique est la valorisation des biodéchets. Elle devient d’autant plus intéressante depuis que les collectivités ont depuis le 1er janvier 2024 l’obligation légale d’apporter à tous les habitants une source de tri pour recycler leurs déchets organiques. Le but est d’ainsi éviter la mise à la décharge de ces biodéchets dans des fosses en condition d’anaérobie. Ainsi c’est la production de méthane qui est évitée au pouvoir réchauffant global 29 fois plus élevé que celui du CO2. Les deux valorisations pour ces biodéchets restent maintenant l’incinération ou la méthanisation. La première technique produit ainsi du CO2, moins impactant que le méthane initialement émis. La seconde reste plus coûteuse en investissement initial mais est moins émettrice en gaz à effet de serre, puisque le méthane émis est utilisé pour produire du biogaz.

Conclusion

Les fertilisants organiques permettent d’apporter les éléments nutritifs, directement assimilables ou progressivement, nécessaires au bon fonctionnement des micro-organismes du sol et donc à la croissance et au maintien de la plante. Raisonner au mieux le choix de son fertilisant organique est complexe et systémique. Il dépend de l’effet amendement/engrais recherché, du type de sol, de la réglementation, de ses moyens matériels comme financiers. La dimension climatique ne peut être laissée de côté dans son choix de fertilisant.

ReSoil accompagne agronomiquement et financièrement les agriculteurs dans leur démarche de transition vers l’agriculture régénérative. ReSoil permet notamment une économie de temps de recherches aux acteurs des champs français et d’inscrire leurs pratiques dans la démarche du label bas-carbone.

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