13 juin 2025
La compensation carbone s'est imposée ces dernières années comme un levier complémentaire à la stratégie de décarbonation des entreprises. La démarche de compensation carbone poursuit un objectif simple : atteindre la neutralité carbone climatique en régénérant les puits de carbone.
Qu'est-ce qu'un puits de carbone ?
Un puits de carbone naturel est un écosystème capable d’absorber et de stocker durablement du dioxyde de carbone (CO₂) présent dans l’atmosphère. Les forêts, les sols agricoles et les océans en sont les principaux exemples. Ils jouent un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique en freinant l’accumulation de gaz à effet de serre.
Pourquoi ? Pour atteindre l'objectif commun de neutralité carbone, la première étape est réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. Il faut ensuite s'assurer les émissions résiduelles / les émissions incompressibles puissent être absorber par les puits carbone (les océans, les sols et les forêts).
Or, aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Pour prendre l'exemple de la France, l’objectif est de passer les émissions de GES nationales de 458 MtCO2eq à 80 MtCO2eq (division par 6 sur la période 2015-2050). Or aujourd’hui, les terres et les forêts ont stocké 39 MtCO2eq sur la période 2014-2022. Ce n’est donc pas assez pour envisager la neutralité carbone. Il faudrait multiplier par 2 les capacité de stockage de ces puits de carbone. Un élément évident mais à rappeler, une forêt ne se reconstitue pas en quelques mois (on parle de plusieurs dizaines d’années) et les sols agricoles représentant la moitié de la superficie française, nous ne devons pas attendre le dernier moment pour s’y atteler !
Voila le rôle de la compensation carbone : soutenir ce travail de régénération des puits de carbone ! Du côté des financeurs, le rôle de la compensation carbone est de leur permettre d’avoir une action complète : agir sur ses propres émissions et celles de sa chaine de valeur mais également s’investir concrètement dans la transition de son territoire en soutenant la régénération de ces puits de carbone.
Le problème est que ces actions peuvent être détournées à des fins uniquement marketing avec des slogans séduisants tels que « un produit acheté = un arbre planté » mais qui cachent parfois des pratiques simplistes, voire contre-productives pour l’environnement, la biodiversité, et les populations locales. Sans se soucier de communiquer sur ce qui est fait sur la réduction des émissions ainsi que sur l’impact des projets que servent à financer ces opérations marketing.
Ce qui est dommage, c’est qu’il existe des solutions pour faire mieux : agir sur ses émissions, soutenir des projets qui ont un vrai impact, et dans un troisième temps, valoriser la démarche d’un point de vue marketing. Et surtout, dans tous les cas, axer la communication sur le verbatim marketing “1 produit acheté = 1 arbre planté” sans communiquer sur l’impact de l’action et sur le reste de la stratégie RSE jette un flou entre les opérations marketing sincères et celles qui relèvent du greenwashing.
Notre conviction chez ReSoil est que le combat pour la restauration des puits de carbone doit être collectif : nous aurons autant besoin des forêts que des sols agricoles pour atteindre notre objectif de neutralité carbone. Cependant, il est essentiel pour les entreprises de passer au-dessus de l’approche trop simpliste qu’est celle de compter les arbres plantés.
Alors, faut-il planter un arbre ou financer un projet agroécologique en France ?
Actuellement, près de 90 % des projets labellisés bas-carbone en France concernent la forêt. À première vue, cela semble une excellente nouvelle : planter des arbres, c'est capturer du carbone atmosphérique. Mais la réalité est plus complexe.
Le marketing de compensation par la plantation d’arbres simplifie excessivement la réalité environnementale et écologique. Cette approche, facilement communicable et attractive pour les consommateurs, s'accompagne malheureusement souvent de monocultures forestières intensives, peu diversifiées, vulnérables aux maladies, aux incendies, et au changement climatique. Ainsi, derrière l'apparence écologique, se trouve une réalité écologique fragile.
Une étude internationale récente, menée notamment par l’Inrae et le CEA (lien), remet profondément en question le rôle traditionnellement attribué aux forêts dans le stockage du carbone terrestre. Ces trente dernières années, seuls 6 % du carbone accumulé à l'échelle mondiale se sont retrouvés dans les forêts, fragilisées par les effets du changement climatique et les perturbations humaines. À l'inverse, les sols, les réserves d’eau et les zones humides, longtemps sous-estimés, se révèlent aujourd’hui comme des puits de carbone bien plus importants. Preuve en est : les puits de carbone terrestres ont augmenté globalement de 30 % lors de la dernière décennie. Autre découverte majeure de cette étude : le carbone organique stocké dans les sols bénéficie d’une stabilité cinq fois supérieure à celle du carbone présent dans la biomasse vivante, à condition toutefois d'être protégé des perturbations humaines. Ces résultats appellent donc à dépasser la seule logique forestière dans les stratégies de compensation carbone.
Si planter des arbres est souvent présenté comme une solution simple pour compenser les émissions de CO₂, des études récentes montrent clairement les limites de cette stratégie. Un chiffre frappant : seuls 3 % des arbres les plus âgés stockent jusqu’à 42 % du carbone forestier (Frontiers in Forests and Global Change), soulignant à quel point préserver ces arbres anciens est crucial pour l'efficacité climatique. Les arbres les plus vieux stockent du carbone de manière disproportionnée par rapport aux plus jeunes arbres : un anneau de croissance d'un grand arbre "ajoute beaucoup plus de carbone que l'anneau d'un petit arbre". explique le Dr Mildrexler, auteur principal de cette étude. Pour obtenir les mêmes effets qu’un arbre de 20 mètres de circonférence, il faudrait 400 jeunes arbres, selon une autre étude (lien)
La plantation d’arbres peut concerner un certain nombre de situations (incendies, tempêtes, maladies, etc…). Dans ces situations, il est important d’éviter les plantations en monoculture, encore très répandues car peu coûteuses et faciles à gérer, réduisent considérablement la capacité de stockage de carbone des forêts et s'avèrent extrêmement vulnérables face aux aléas.
Ainsi, l’approche marketing qui consiste à communiquer sur des arbres plantés est limité : la plantation d’arbres n’est pas toujours bien faite et occulte souvent les autres solutions existantes comme la gestion des forêts existantes, la restaurations des sols, des mangroves et des zones humides.
Un constat en France : Depuis le milieu des années 2000, les capacités de stockage de la forêt française s'érodent sous l'effet du réchauffement climatique. Elles sont passées de 45 Mt de CO2 au milieu des années 2000 à environ 35 Mt en 2015 et seulement 14 Mt en 2020 selon le Citepa. Il faut inverser clairement la tendance mais ce chiffre nous rappelle que la bataille doit être menée sur plusieurs tableaux et ne pas miser tout sur le même cheval !
Historiquement, les méthodes forestières du Label bas-carbone elles-mêmes ont souffert de limites importantes : critères peu restrictifs, hypothèses de stockage de carbone initial souvent sous-évaluées, manque d’exigences concernant les preuves scientifiques, et autorisation de pratiques controversées comme les coupes rases. Résultat : un nombre important de projets labellisés ont vu le jour sans démontrer pleinement leur efficacité écologique à long terme.
En 2025, le Label bas-carbone a récemment actualisé ses méthodologies de boisement et reboisement, renforçant les critères d'éligibilité et la solidité scientifique des projets. Ce renforcement illustre clairement que raisonner en termes d’arbres unitaires, sans vision globale ni systémique, ne tient pas la route scientifiquement.
On ne plante pas simplement un arbre, mais une forêt entière, c'est-à-dire un écosystème complexe qui doit être résilient, durable et multifonctionnel.
Si les forêts occupent le devant de la scène en matière de compensation carbone, l’agriculture offre pourtant un potentiel tout aussi, voire plus intéressant à bien des égards. L’enjeu agricole est systémique pour la France.
Quelques chiffres pour illustrer l’importance de cet enjeu :
- Un secteur qui doit être décarboné : L’agriculture représente 18,7% des émissions françaises (source : SNBC 3).
- La plus grande superficie : En France, en 2019, la superficie agricole utilisée (SAU) représente 45 % de la superficie du pays (source : INSEE)
- Un secteur à fort potentiel de stockage : Le stockage additionnel dans les sols est estimé à 31 MtCO2eq/an sur 30 ans. 86% de ce potentiel se situe dans les Grandes Cultures (source : rapport 4 pour 1000). Le rapport sur l’agriculture du Haut Conseil pour le Climat (lien : ici) parle même de 50 MtCO2eq qui pourraient être stockés en agriculture, si on inclut les haies et l’agroforesterie
- Un puits de carbone directement activable : le carbone en agriculture est stocké directement dans les sols, là où un arbre met 30 ans à stocker du carbone
Le stockage de carbone en agriculture repose sur l’augmentation des apports de matière organique, l’humus. L’humus représente le réservoir de nutriments du sol, favorise la structure du sol et permet la rétention de l’eau dans les sols. De plus, une partie du carbone apporté sert du nourriture aux organismes vivants du sol.
Les principaux leviers agricoles pour stocker du carbone en agriculture sont les suivants :
- introduire des cultures intermédiaires et des couverts végétaux pour maximiser la couverture des sols. Un sol systématiquement couvert, même lors des périodes d’interculture (entre 2 cultures de rente), permet la photosynthèse toute l’année et donc le stockage de carbone dans les sols
- augmenter les apports de matières organiques (fumier, lisier, compost, digestat). Les apports externes de matière organique sont à la fois un moyen d’apport du carbone dans les sols et un moyen de réduire l’utilisation de la fertilisation minérale (80% des émissions en Grandes Cultures).
- développer une conduite culturale qui limite le travail du sol et le déstockage de carbone.
- développer l’agroforesterie et la réintroduction de haies
Si vous souhaitez approfondir le sujet du stockage de carbone en agriculture, je ne saurais que vous recommander les lectures suivantes :
- Le stockage de carbone dans les sols agricoles : par quels mécanismes ?
- Qu'est-ce que l'agriculture régénératrice (aussi appelée agriculture régénérative) ?
- La photosynthèse : porte d’entrée du carbone dans les sols agricoles
Pour adresser le sujet du stockage de carbone en agriculture, le Label bas-carbone a lancé des méthodes spécifiques : la méthode Grandes Cultures, la méthode Haies, la méthode Plantation de vergers dont l’objectif est d’orienter les financements carbone des entreprises et organisations vers la nécessaire transition agricole.
Le Label bas-carbone, c’est quoi ?
Créé en 2019 par le Ministère de la Transition écologique dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas-Carbone, le Label bas-carbone est un cadre de certification officiel destiné à encourager et garantir la qualité des projets de réduction ou de séquestration de gaz à effet de serre en France. Il permet à des acteurs publics ou privés de financer des projets locaux (agricoles, forestiers, etc.) et d’obtenir en retour des crédits carbone rigoureusement mesurés, vérifiés et non revendables. Ce label vise à soutenir la transition climatique du territoire tout en assurant transparence, rigueur scientifique et co-bénéfices environnementaux et sociaux.
L’agriculture est la racine de notre alimentation, mais à la racine de nombreux secteurs (cosmétiques, transition énergétique, construction, textile). La transition agricole est donc très lié à un enjeu majeur pour le pays : garantir une alimentation durable et française à moyen et long-terme.
Les projets de transition agricole et de stockage de carbone dans les sols agricoles présentent des co-bénéfices environnementaux, sociaux et économiques évidents :
- Renforcement de la biodiversité :
Les pratiques agroécologiques recréent des habitats variés pour la faune sauvage. Haies, cultures diversifiées, prairies permanentes ou bandes enherbées réintroduisent de la diversité dans les paysages agricoles. L'introduction d’espèces mellifères, de légumineuses ou de cultures nécessitant peu de traitements phytosanitaires (comme le lin ou les pois protéagineux) favorise la présence d’insectes utiles et limite l’usage de pesticides. Pour citer un agriculteur que j’ai rencontré fin mai 2025 :
« Depuis que j’ai engagé mon exploitation dans une transition agroécologique, je revois des vers de terre, des insectes et des abeilles revenir sur mes parcelles. »
- Adaptation au changement climatique :
Les sols vivants et couverts en permanence retiennent mieux l’eau, ce qui améliore leur résilience face aux épisodes de sécheresse ou aux fortes pluies. Ces pratiques permettent aussi de réduire l’érosion des sols, phénomène aggravé par le changement climatique.
- Réduction des pollutions de l’air et de l’eau :
La diminution des émissions d’ammoniac (liées aux engrais azotés) contribue à l’amélioration de la qualité de l’air et limite la formation de particules fines. De même, la réduction de la lixiviation des nitrates préserve la qualité des nappes phréatiques et des cours d’eau. Ces effets bénéfiques sur l’environnement contribuent à améliorer la santé des populations locales.
- Juste rémunération des agriculteurs et résilience économique :
En finançant la transition agricole vers l’agroécologie, les entreprises soutiennent concrètement les agriculteurs dans la transformation de leurs pratiques. Cela leur permet de mieux maîtriser leurs charges (notamment en intrants), de diversifier leurs cultures et donc de mieux gérer les aléas économiques et climatiques. Cette stabilité contribue à la résilience des exploitations à long terme.
- Renouvellement générationnel :
D’ici 2030, un agriculteur sur deux partira à la retraite. Soutenir des projets de transition, c’est aussi permettre à une nouvelle génération d’agriculteurs de s’installer et de développer des pratiques durables, garantes de la souveraineté alimentaire et de la vitalité du monde rural.
Dans une forêt, on doit se réjouir de voir un arbre qui a plus de 40 ans. Sur une parcelle agricole, c’est une bonne nouvelle pour le renouvellement des génération si l’agriculteur à moins de 40 ans.
- Dynamisation des territoires ruraux :
Ces projets participent au maintien ou à la création d’emplois agricoles et para-agricoles. En redonnant du sens au métier d’agriculteur et en favorisant l’ancrage local des activités, ils contribuent à préserver la vie économique, sociale et culturelle de nos campagnes.
Face à ces avantages concrets, l’approche des KPIs change également radicalement. Là où le marketing de plantation d’arbres se contente souvent d'un chiffre facile (nombre d’arbres plantés), les projets agricoles bas-carbone disposent de critères précis, transparents et scientifiquement mesurables via le Label bas-carbone :
Pour gagner la bataille climatique, les puits de carbone agricoles et forestiers sont tous deux essentiels ! Il est urgent de dépasser le paradigme simpliste de la plantation d’arbres comme unique réponse à l’enjeu climatique. Financer un projet agroécologique en France, c’est soutenir un projet qui, en plus de stocker durablement du carbone, permet la transition systémique du secteur agricole, avec des co-bénéfices environnementaux, sociaux et sociétaux forts.
ReSoil s'inscrit dans le cadre des méthodes de calcul agricoles du Label bas-carbone. En fonctionnant en circuit court entre les agriculteurs et les entreprises financeuses, ReSoil permet à l'entreprise de maximiser son investissement climat en améliorant le financement direct de l'agriculteur ! Les entreprises qui financent ont également l'occasion d'aller visiter l'exploitation soutenue et donc de pouvoir valoriser leur financement en communication externe et interne et en engament des collaborateurs
ReSoil développe aujourd'hui plus de 130 projets partout en France. Pour retrouver nos projets les plus proches de des sites et lieux d'activité de votre entreprise, accédez à l'ensemble de nos projets sur notre plateforme ReSink : Inscription ReSink.
Contribuer à la neutralité carbone est à la portée de toutes les entreprises engagées. Si vous vous posez la question de la contribution carbone, n’hésitez pas à nous contacter, l’équipe ReSoil vous accompagne de A à Z pour vous proposer des projets de régénération de puits de carbone agricoles sur-mesure, certifiés par le Label bas-carbone sur votre territoire !