SBTi FLAG, quelles sont les entreprises concernées et quelles implications ?

19 février 2024

par
Luc

SBTi FLAG, quelles implications pour les entreprises concernées ?

La Science Based Targets initiative, plus communément appelée SBTi ou initiative SBT est le référentiel international permettant aux entreprises d’aligner leur stratégie de décarbonation sur la trajectoire définie par les Accords de Paris. Depuis sa création en 2015, l’initiative SBT publie au fur et à mesure des méthodologies sectorielles. En février 2024, 8 méthodologies sectorielles avaient été publiées. La méthodologie sectorielle spécifique à la gestion des terres, SBTi Forest Land and Agriculture (FLAG), a été publiée en septembre 2022.

Dans la suite de cet article nous verrons quelles sont les entreprises concernées par cette méthodologie et les implications pour elles.

I. Complémentarité entre le GHG Protocol et la SBTi

Avant de nous pencher en détail sur la SBTiFLAG, revenons sur l’articulation entre le GHG Protocol et la SBTi.

Comptabilité carbone : Le GHG Protocol pour mesurer sesémissions de gaz à effet de serre

Le GHG Protocol a été créé par le World Resources Institute (WRI) et le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) avec le soutien d’ONG et de gouvernements.

Il s’agit du référentiel international dictant les règles de la comptabilité des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ce référentiel permet aux entreprises d’établir leur bilan carbone c’est-à-dire de dresser l’inventaire de leurs émissions de gaz à effet de serre sur base de flux générés par leurs activités économiques.

Ces émissions de GES portent sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise. Par exemple, les émissions de GES appartenant au scope 3 correspondent aux émissions en amont et en aval des activités de l’entreprise.

Stratégie de décarbonation : la SBTi pour une trajectoire de décarbonation respectant les Accords de Paris

L’initiative SBT est portée par un partenariat entre le Carbon Disclosure Projet (CDP), le Word Resources Institute (WRI – qui était aussi à l’initiative du GHG Protocol), le Pacte mondial des Nations Unies et le Fonds Mondial pour la Nature (WWF).

Cette initiative concerne les entreprises et les institutions financières et leur permet d’aligner leur stratégie de décarbonation avec les Accords de Paris. Comment ? En fixant des objectifs de réduction d’émissions fondés sur la science. Ces objectifs sont spécifiques et diffèrent selon les secteurs, les périodes temporelles et les scopes d’émissions (1,2 et 3).

Mais quel lien avec le GHG Protocol ? Ces objectifs fondés sur la science doivent être construits à partir d’inventaire d’émissions de GES conformes aux normes de comptabilité établies par le GHG Protocol.

Ainsi GHG Protocol et SBTi sont complémentaires. Le premier étant un pré-requis pour la fixation des objectifs de décarbonation dans le cadre du deuxième.

A date, pour les entreprises et institutions financières, la validation de leur trajectoire de décarbonation par l’initiative SBT n’est pas obligatoire. Toutefois, les incitations poussant les entreprises à faire valider leur feuille de route de décarbonation par la SBTi sont de plus en plus fortes aussi bien du côté :

  • du consommateur (image de marque) ;
  • que des entreprises dans une même chaîne de valeur notamment à l'initiative des entreprises à l’aval de celle-ci. Par exemple Carrefour, un distributeur, a demandé à son top 100 fournisseurs de s’engager sur une trajectoire de décarbonation conforme aux Accords de Paris et validé par la SBTi d’ici à 2026 sous peine de se voir déréférencer !

Une évolution de ces deux référentiels pour être plus spécifique au secteur des terres (« AFOLU »)

En septembre 2022, le GHG Protocol a publié une 1ère ébauche de son guide méthodologique GHG Protocol Land sector and Removals – draft version, spécifique au secteur des terres (AFOLU en anglais pour « Agriculture Forest and Other Land Use »).

Alors qu’avant les entreprises ne prenaient en compte que leurs émissions de GES issues de :

  • La consommation d’énergie fossiles ;
  • Du changement d’usage des sols - soit l’utilisation différente de la terre dans le cadre d’une activité humaine (ex : déforestation, conversion d’une prairie permanente en grandes cultures).

Dorénavant celles-ci doivent aussi comptabiliser les émissions liées à l’utilisation des terres – soit l’usage de la terre dans le cadre d’une activité humaine (ex : culture du blé tendre).

Cette utilisation des terres permet d’être plus exhaustif et de prendre en compte les variations du stock de carbone dans les sols ou la biomasse (déstockage ou stockage additionnelle).

La publication de la version finale du GHG Protocol Land Sector and Removals est prévue courant 2024.

En parallèle de la publication de la 1ère ébauche du GHG Protocol Land Sector and Removals, la SBTi a publié la version finale de la méthodologie SBTi FLAG.

Celle-ci se base sur le GHG Protocol – Land Sector and Removals (draft version) de septembre 2022 pour le calcul des objectifs SBTi – FLAG.

SBTi FLAG - Les étapes pour fixer des objectifs FLAG - Source : SBTi, ReSoil
SBTi FLAG - Les étapes pour fixer des objectifs FLAG - Source : SBTi, ReSoil

Maintenant que nous avons clarifié le lien entre GHG Protocol et SBTi, décortiquons la SBTi FLAG. En quoi cela consiste ? Quelles sont les entreprises concernées ? Quelles approches sont possibles pour fixer ses objectifs ? Quelles échéances pour la fixation de ces objectifs ?

II. SBTi FLAG et implications pour les entreprises

1) Les règles de la méthodologie SBTi FLAG

La méthodologie SBTi-FLAG fixe les objectifs de décarbonation pour les entreprises qui ont un impact sur les terres à travers leurs activités économiques.

Comme détaillé sur le schéma ci-dessous il y a 5 principales règles :

  • Objectifs FLAG à moyen terme (5-10 ans) ;
  • Objectifs FLAG à long terme (optionnel – uniquement en cas d’objectif « Net Zero ») ;
  • Séquestration carbone (intégré dans l’inventaire FLAG) ;
  • Engagement zéro déforestation sur son approvisionnement en matières premières (au plus tard d’ici au 31 décembre 2025) ;
  • Objectifs non-FLAG pour couvrir l’ensemble de son inventaire d’émissions de GES.

SBTi FLAG - Les principales règles - Source : SBTi, ReSoil
SBTi FLAG - Les principales règles - Source : SBTi, ReSoil

2) Quelles sont les entreprises concernées ?

Comme indiqué précédemment cette méthodologie concerne les entreprises qui ont un impact sur le secteur des terres à travers leurs activités économiques. Cela signifie que ces entreprise,  au-delà d’inventorier leurs émissions FLAG, vont devoir obligatoirement fixer des objectifs de réduction fondés sur la science à l’horizon 5 à 10 ans.

La méthodologie SBTi-FLAG précise que les secteurs suivants sont concernés :

  • Produits forestiers et papetiers : Sylviculture, bois, pâte à papier et papier, caoutchouc ;
  • Production agricole végétale et animale ;
  • Transformation agroalimentaire ;
  • Distribution alimentaire ;
  • Tabac.

Qui plus est, pour les entreprises n’appartenant pas à ces secteurs mais dont les émissions FLAG (i.e. liées au secteur des terres) représentent plus 20% de leur empreinte carbone totale celles-ci doivent aussi fixer des objectifs FLAG. Par exemple, une entreprise de parc à thème, donc appartenant au secteur des loisirs, dont les émissions FLAG scope 3 amont (liées aux activités de restauration sur site pour les clients) représentent ~25% du total de ses émissions de GES devra se fixer des objectifs FLAG pour réduire ces émissions.

Deux autres points à retenir :

  • Les PME, au sens de la définition de PME du SBTi ne sont pas tenues de fixer des objectifs FLAG ;
  • Les entreprises appartenant à l’un des secteurs FLAG mais dont les émissions FLAG brutes représentent <5% de leurs émissions totales sont elles aussi exemptées.

SBTi FLAG - Entreprises concernées (FLAG-C1) - Source : SBTi, ReSoil
SBTi FLAG - Entreprises concernées (FLAG-C1) - Source : SBTi, ReSoil

3) L’inventaire global des émissions de GES de l’entreprise : Un pré-requis pour fixer des objectifs FLAG

Les entreprises appartenant aux « secteurs concernés » mentionnés dans la partie ci-dessus doivent forcément réaliser un inventaire FLAG.

Toutes les autres entreprises doivent en réaliser un uniquement si elles considèrent qu'elles pourraient être concernées du fait de liens non négligeables de leurs activités avec l'agriculture, la sylviculture ou d'autres activités liées aux terres (industrie textile, hôtellerie, restauration etc.).

La réalisation d'un inventaire FLAG implique la division de l'inventaire global en deux catégories distinctes : FLAG et non-FLAG, avec des objectifs SBT (Science-Based Targets) spécifiques à chacune.

Cette séparation vise à éviter l'utilisation des séquestrations FLAG comme moyen de compenser les émissions non-FLAG, en assurant que chaque catégorie respecte ses propres objectifs de réduction d'émissions. Ce processus garantit une approche plus structurée et ciblée dans la gestion des émissions de gaz à effet de serre.

SBTi FLAG : Réaliser un inventaire global des émissions de GES de l’entreprise
SBTi FLAG : Réaliser un inventaire global des émissions de GES de l’entreprise - Source : SBTi, ReSoil

Inventaire FLAG

Au sein de l’inventaire FLAG, les entreprises doivent déclarer séparément les absorptions et les émissions, tant pour le niveau de référence que pour la comptabilisation annuelle des émissions.

Les émissions de gaz à effet de serre sont divisées en deux catégories :

  • Emissions liées au changement d’usage des sols (ex : déforestation) ;
  • Emissions liées à la gestion des terres.

Inventaire FLAG – Sources d’émissions et d’absorptions de GES couvertes
Inventaire FLAG – Sources d’émissions et d’absorptions de GES couvertes

Prenons un cas concret d’un produit agroalimentaire vendu par une entreprise. Par exemple, une baguette de pain qui a été faite avec de la farine de blé tendre et vendue par une chaîne de boulangerie industrielle.

Pour cet acteur de la boulangerie industrielle les émissions FLAG de cette baguette correspondent aux émissions s’arrêtant aux portes de la ferme :

  • Amont : Fabrication des intrants agricoles (semences, pesticides, engrais) notamment la production d’engrais azotés de synthèse nécessitant beaucoup de gaz (une énergie fossile) ;
  • Production : Principalement les émissions au champ liées à l’épandage des engrais mais aussi l’utilisation du carburant des engins agricoles et la décomposition des résidus de cultures.

SBTi FLAG – Emissions FLAG pour un produit agroalimentaire
SBTi FLAG – Emissions FLAG pour un produit agroalimentaire

4) Quand fixer un objectif FLAG sur le scope 3 ? Quelle part des émissions doit être couverte dans les objectifs FLAG ?

Les entreprises concernées par la SBTi FLAG doivent fixer un objectif de réduction sur le scope 1. Cet objectif de réduction doit couvrir a minima 95% des émissions FLAG du scope 1 de l’entreprise

Pour le scope 3 (i.e. en amont et en aval des activités de l’entreprise), les entreprises concernées par la SBTi FLAG doivent obligatoirement fixer un objectif de réduction lorsque les émissions brutes (FLAG et non-FLAG) du scope 3 sont supérieures ou égales à 40 % du total des émissions (FLAG et non-FLAG) des scope 1, 2 et 3.

Les inventaires FLAG et non-FLAG étant distincts et elles doivent donc fixer sur ces émissions du scope 3 deux objectifs :

  • 1 objectif pour les émissions scope 3 FLAG ;
  • 1 objectif pour les émissions scope Non-FLAG.

La part minimale des émissions couvertes dans ces deux objectifs est de 67% pour chaque.

SBTi FLAG – Objectif scope 3 et périmètre des émissions  couvertes (FLAG-C2)
SBTi FLAG – Objectif scope 3 et périmètre des émissions couvertes (FLAG-C2)

5) Fixer un objectif FLAG – Deux approches possibles

Le guide méthodologique FLAG donne des détails pour l’objectif à court terme.

Afin d’établir un objectif FLAG à court terme les entreprises doivent tout d’abord définir l’année de référence et l’année cible :

  • Année de référence : La SBTi recommande de choisir une année de référence débutant en 2018 ou après. Même s’il reste possible de choisir une année ;
  • Année cible : La SBTi impose que l’année cible corresponde à une période de 5 à 10 ans à compter de la date à laquelle la cible est soumise au SBTi pour validation. Ainsi, si une entreprise soumet ses objectifs en 2024 l’année cible sera comprise entre 2029 et 2034.


Ensuite pour établir ces objectifs FLAG, les entreprises peuvent suivre deux approches : sectorielle ou par commodité (existant pour 11 filières). A noter, qu’il est possible pour une entreprise de combiner approche sectorielle et par commodité.

Si les émissions d'une certaine commodité excèdent 10% du total des émissions FLAG de l'entreprise, le SBTi recommande à l’entreprise d'adopter l'approche par commodité. Cela est même obligatoire pour la filière bois.

Dans l’approche sectorielle :

  • L’objectif de réduction d’émission sont en valeur absolue ;
  • Celui-ci est déterminé en fonction des émissions de gaz à effet de serre de l'année de référence de l'entreprise ;
  • Le pourcentage de réduction des émissions FLAG est de 3,03%/an par rapport à l’année de référence ;
  • Ce pourcentage est donné pour la période 2020-2030. Ainsi l’approche sectorielle impose un objectif de réduction de -30,3% des émissions FLAG entre 2020 et 2030 ;
  • Cet objectif de réduction de -30,3% sur 2020-2030 est inférieur à celui des émissions non-FLAG (-42%) sur la même période. Cela est du au fait que comparativement aux émissions non-FLAG, les émissions FLAG liées aux émissions de protoxyde d’azote et au méthane dans le secteur agricole sont plus dures à réduire que les émissions non-FLAG.

Pour l’approche par commodité pour les 11 filières :

  • L’objectif de réduction des émissions est en intensité d’émission par unité de production (ex : en tCO2e/ t de blé pour la filière blé) ;
  • Il faut disposer des projections de production lors de l’année cible (cela permettant d’en déduire le seuil d’émissions FLAG en année cible permettant d’atteindre l’objectif).

SBTi  FLAG – Deux approches possibles pour définir l’objectif à court terme
SBTi  FLAG – Deux approches possibles pour définir l’objectif à court terme

6) Quelles sont les échéances pour les entreprises devant soumettre leurs objectifs FLAG à la SBTi pour validation officielle ?

Rappelons qu’il n’est pas obligatoire pour les entreprises de faire valider leur stratégie de décarbonation par la SBTi. Toutefois, cela est fortement recommandé pour démontrer la solidité de la stratégie de décarbonation de l’entreprise.

En se basant sur le schéma ci-dessous on voit que la SBTi pousse les entreprises concernées par FLAG et souhaitant faire valider leur stratégie décarbonation à établir leurs objectifs FLAG sans attendre davantage. Dès fin 2024, l’ensemble des entreprises concernées par FLAG et souhaitant faire valider leur stratégie de décarbonation devront avoir soumis leurs objectifs FLAG pour validation par la SBTi.

SBTi FLAG - Principales échéances pour l’établissement des objectifs FLAG
SBTi FLAG - Principales échéances pour l’établissement des objectifs FLAG

Comme indiqué dans ce schéma, au moment de la rédaction de cet article (février 2024), la méthodologie SBTi – FLAG se base sur une version préliminaire du GHG Protocol – Land Sector & Removals. Une fois la publication de la version finale du GHG Protocol – Land Sector & Removals, les entreprises auront 6 mois pour mettre à jour leurs objectifs.

III. ReSoil accompagne les entreprises agroalimentaires dans la décarbonation de leur amont agricole

Une fois les objectifs SBTi FLAG validés, les entreprises devront mettre en œuvre les leviers de décarbonation permettant l’atteinte de ces objectifs.

Or, pour les entreprises du secteur agroalimentaire le scope 3 amont agricole représente en moyenne 60 à 70% de émissions de GES totales de l’entreprise. La réduction des émissions du scope 3 amont agricole est complexe pour ces entreprises qui doivent entraîner leurs fournisseurs de matières premières dans cette logique de décarbonation.

En travaillant conjointement avec les agriculteurs, les organismes stockeurs et les autres acteurs de l’aval (1ère et 2nde transformation) ReSoil permet aux entreprises agroalimentaires engagées dans une trajectoire de décarbonation de :

  • Mesurer précisément leur scope 3 amont agricole par filière ;
  • Identifier les leviers de décarbonation au champ et le coût associé ;
  • Définir et mettre en place des primes filières bas-carbone pour couvrir ce coût de la transition et aligner les intérêts entre les différents acteurs de la chaîne de valeur ;
  • Suivre ces primes filières dans le temps via notre plateforme ReSink afin de mesurer concrètement l’impact de celles-ci sur la décarbonation du scope 3 amont agricole.

Vous êtes un acteur agroalimentaire et souhaitez en savoir plus sur l’accompagnement de ReSoil pour la mesure de votre scope 3 amont agricole et la réduction de celui-ci ? Consultez notre page dédiée ou contactez-nous.

Vous êtes une entreprise et vous souhaitez contribuer à la neutralité carbone en France, dans votre département ou région ? Découvrez les projets de nos agriculteurs partenaires labellisés par le Label bas-carbone.