Qu'est-ce que la neutralité carbone?

19 septembre 2025

- par
Mar

« La France a pris des retards importants pour tenir l’objectif de neutralité carbone en 2050 », titrait récemment Le Monde en s’appuyant sur le dernier rapport du Haut Conseil pour le climat (HCC). Cet organisme indépendant chargée d’évaluer les politiques climatiques de la France, regrette que le rythme de décarbonation ait « beaucoup ralenti » en 2024 éloignant la France de tenir ses objectifs climatiques.

Concept qu’on entend de plus en plus, dans les médias, la presse et dans la rue, la neutralité carbone, également appelée « zéro émission nette », occupe désormais une place essentielle dans la lutte contre le changement climatique et dans la mise en œuvre des accords de Paris, qui visent à limiter le réchauffement global à +2 °C par rapport à l’ère préindustrielle. On la retrouve au cœur des engagements internationaux, des politiques nationales et des stratégies des entreprises.

Mais qu’est-ce que cela veut dire concrètement ?  Atteindre la neutralité carbone s’agit de parvenir à un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre (GES) générées par les activités humaines et leur absorption par des puits de carbone, qu’ils soient naturels (forêts, sols, océans) ou technologiques (captage et stockage du carbone, par exemple). Cet objectif est devenu incontournable pour les pays et les organisations désireux de réduire leur empreinte environnementale et de contribuer à la stabilisation du climat mondial.

Pourtant, la route est encore longue et la réalité est plus complexe qu’il n’y paraît. Comme le rappelle Carbone 4, « les émissions mondiales de CO₂ sont aujourd’hui cinq fois trop élevées pour espérer atteindre cet objectif ».

Peut-on véritablement atteindre cet équilibre à l’échelle mondiale comme le mettent en avance les accords de Paris? Quel rôle jouent individuellement les pays dans ces objectifs et quelle place pouvons-nous accorder aux entreprises et aux acteurs privés dans ce défi climatique ?

1. Le concept de neutralité carbone

a. Origines : une notion construite progressivement

La notion de neutralité carbone s’est progressivement construite à mesure que la communauté internationale a pris conscience du rôle central des émissions de gaz à effet de serre dans le réchauffement climatique. Dès la fin des années 1980, les travaux scientifiques, notamment le premier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) en 1990, ont mis en évidence l’impact déterminant du dioxyde de carbone et d’autres gaz émis par les activités humaines sur le climat. C’est cette prise de conscience qui a conduit à inscrire la réduction des émissions au cœur des négociations internationales.

Dans le sillage de la création de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) au Sommet de Rio en 1992, s’impose l’idée qu’il serait irréaliste, pour certains pays ou secteurs, d’éliminer totalement leurs émissions. La « neutralité » apparaît alors comme une recherche d’équilibre : les émissions résiduelles doivent être compensées par des absorptions équivalentes, de façon à atteindre un bilan net nul.

uverture de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement de Rio de Janeiro, le 3 juin 1992
Ouverture de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement de Rio de Janeiro, le 3 juin 1992 - Source: Eduardo DiBaia

Le Protocole de Kyoto, adopté en 1997 et entré en vigueur en 2005, marque une étape décisive dans ce processus. Pour la première fois, il fixe des objectifs contraignants de réduction aux pays industrialisés et ouvre la voie à une approche combinant efforts de réduction et mécanismes de compensation, permettant ainsi d’envisager la neutralité carbone à l’échelle d’un État, d’un territoire ou d’une organisation.

Au cours des années 2000, les rapports successifs du GIEC insistent sur la nécessité d’atteindre une neutralité carbone mondiale pour contenir le réchauffement. Cette dynamique trouve son aboutissement en 2015 avec l’Accord de Paris, qui consacre l’objectif d’un équilibre entre émissions et absorptions dans la seconde moitié du siècle. C’est cette définition qui constitue aujourd’hui la référence internationale en matière de neutralité carbone.

b. Mais, comment pouvons-nous visualiser la neutralité carbone ?

Pour mieux saisir ce qu’est la neutralité carbone, on peut recourir à une métaphore popularisée notamment par Carbone 4 : celle de la baignoire. Imaginons que l’atmosphère soit une cuve remplie d’eau. Le robinet représente les émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines ; le siphon symbolise les puits de carbone, naturels (forêts, sols, océans) ou technologiques, capables d’absorber une partie de ces émissions. L’usage massif d’énergies fossiles alimente le robinet de manière excessive, ce qui fait monter le niveau de l’eau et provoque le risque de débordement. La neutralité carbone est atteinte lorsque l’eau qui s’écoule par le siphon compense exactement l’eau qui s’écoule du robinet : le niveau de la baignoire, c’est-à-dire la concentration de CO₂ dans l’air, cesse alors de monter. L’objectif n’est donc pas de vider la baignoire, mais bien d’empêcher qu’elle ne déborde ; autrement dit, que nous franchissions les seuils critiques du réchauffement climatique.

La neutralité carbone, une histoire de baignoire - Source: Carbone 4

D’un point de vue institutionnel, le Parlement européen définit la neutralité carbone comme « un équilibre entre les émissions de carbone et l’absorption du carbone de l’atmosphère par les puits de carbone. Pour atteindre des émissions nettes nulles, toutes les émissions de gaz à effet de serre dans le monde devront être compensées par la séquestration du carbone. »

Il demeure également important de souligner une petite nuance utile entre les termes de « neutralité carbone » et « zéro émission nette ». D’après le GIEC, à l’échelle mondiale, ces expressions sont équivalentes. Mais à une échelle plus restreinte, comme celle d’un pays, d’une région, ou d’une entreprise, on parle plus volontiers de « zéro émission nette » pour désigner les émissions et absorptions relevant directement du périmètre de responsabilité de l’acteur concerné. La « neutralité carbone », elle, peut englober des absorptions situées au-delà de ce périmètre direct.

c. Importance : pourquoi s’y diriger ?

L’importance de la neutralité carbone tient avant tout aux conséquences dramatiques d’un réchauffement supérieur à +2 °C. Au-delà de ce seuil, les scientifiques anticipent une intensification des phénomènes extrêmes :

• la montée du niveau des mers, qui met en péril les zones côtières et les grandes métropoles ;

• des vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses, aux effets sanitaires dévastateurs ;

• des pénuries d’eau et de nourriture, liées à la perturbation des rendements agricoles ;

• et une accélération de la perte de biodiversité, avec la disparition d’innombrables espèces animales et végétales .

C’est précisément pour répondre à ces menaces que l’Accord de Paris, adopté en 2015, a fixé comme objectif de contenir l’élévation de la température moyenne mondiale nettement en dessous de +2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, et de poursuivre les efforts pour la limiter à +1,5 °C. Ce double seuil résulte d’un compromis : il traduit à la fois la reconnaissance scientifique que les impacts deviennent beaucoup plus graves au-delà de 2 °C, et la volonté politique de préserver une trajectoire encore praticable pour les États. Le seuil de +1,5 °C, défendu notamment par les pays les plus vulnérables (petits États insulaires, pays en développement fortement exposés), reflète l’urgence de protéger les populations et les écosystèmes qui seraient condamnés si le réchauffement dépassait ce niveau.

Face à ces menaces systémiques, la neutralité carbone n’est donc pas un choix parmi d’autres : c’est une condition de survie collective. Elle représente le seul moyen de respecter les limites planétaires et de maintenir un environnement stable et habitable pour les générations futures. Autrement dit, atteindre la neutralité carbone revient à maintenir le niveau de notre « baignoire climatique » sous le seuil critique, afin d’éviter un débordement aux conséquences irréversibles.

2. Comment atteint-on la neutralité carbone ?

a. La réduction des émissions des secteurs français

En France, la transition vers la neutralité carbone s’appuie sur une feuille de route précise : la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Introduite par la Loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), cette stratégie trace la voie pour l’ensemble des secteurs d’activité afin de construire une économie à la fois bas-carbone, circulaire et durable.

La SNBC fixe une double ambition :

• parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050 ;

• et réduire l’empreinte carbone de la consommation des Français, c’est-à-dire l’impact climatique de ce que nous produisons et importons.

Adoptée une première fois en 2015, puis révisée en 2018-2019, elle a fixé un cap clair : atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, alors que la première version visait seulement le « facteur 4 » (–75 % d’émissions en 2050 par rapport à 1990). Ce cap s’appuie sur des budgets carbone, qui définissent des plafonds d’émissions pour chaque période de cinq ans.

Les résultats montrent que la France a réduit ses émissions de 31 % entre 1990 et 2023, atteignant environ 373 millions de tonnes de CO₂. Pour respecter l’objectif européen de réduction d’au moins 55 % d’ici 2030 (par rapport à 1990), la France vise une baisse de 50 % de ses émissions à cet horizon. Cela suppose un rythme de réduction de 4,5 % par an jusqu’en 2030 : un défi considérable, puisqu’il faudrait doubler le rythme moyen observé depuis 2010, malgré un recul notable de –5,8 % entre 2022 et 2023.

En pratique, atteindre la neutralité carbone implique donc de réduire massivement les émissions brutes, en les divisant par six d’ici 2050. Mais, même avec cet effort, des émissions dites « résiduelles » demeureront dans certains secteurs difficiles à décarboner, ce qui rend indispensable l’apport des puits de carbone.

b. Les puits de carbone : un rôle indispensable

La neutralité carbone ne peut être atteinte par la seule réduction des émissions : il faut aussi compenser les émissions résiduelles par des absorptions équivalentes. Les puits de carbone constituent ainsi la seconde composante essentielle de l’équation climatique.

En France, les puits naturels (forêts, sols agricoles, prairies, zones humides) jouent aujourd’hui un rôle central. Ils absorbent une part significative de nos émissions, mais leur efficacité est menacée par les effets du changement climatique (sécheresses, incendies, dépérissement des forêts). Les solutions technologiques de captage et stockage du carbone, encore expérimentales, pourraient compléter ce dispositif dans les prochaines décennies.

Renforcer et diversifier les puits de carbone est donc une priorité : meilleure gestion forestière, agriculture bas-carbone, restauration des écosystèmes, protection des sols et des zones humides, innovation technologique. La SNBC fixe à ce titre un objectif ambitieux : doubler leur capacité d’absorption d’ici 2050 pour atteindre environ 67 millions de tonnes de CO₂ équivalent. Cet objectif est indispensable pour compenser les émissions résiduelles et concrétiser l’ambition de neutralité carbone.

Pour aller plus loin, tu peux consulter notre article dédié : Les puits de carbone : quels sont-ils et comment fonctionnent-ils ?

3. Les entreprises face à la neutralité carbone

Pour une entreprise, viser la neutralité carbone commence par réduire ses propres émissions : limiter les déplacements, améliorer l’efficacité énergétique, recourir à des énergies renouvelables ou concevoir des produits et services plus sobres. Les émissions qui ne peuvent pas être totalement évitées, dites résiduelles, doivent ensuite être compensées par le soutien à des projets qui contribuent à la transition : restauration de forêts, développement d’énergies renouvelables, ou encore pratiques agricoles bas-carbone.

a. Une entreprise peut-elle atteindre le « zéro net » ?

Mettre en place une stratégie de neutralité carbone permet aux entreprises de contribuer à l’effort collectif de lutte contre le changement climatique. Mais comme le rappelle l’ADEME : « les acteurs économiques qui s’engagent ne peuvent se revendiquer neutres en carbone », car la neutralité n’a de sens qu’à l’échelle planétaire. Une entreprise seule peut alors s’inscrire dans une trajectoire compatible avec la neutralité mondiale en 2050.

Cela suppose deux conditions : réduire drastiquement ses émissions directes et indirectes, et contribuer activement au renforcement des puits de carbone.

b. Vers la notion de contribution plutôt que neutralité

C’est pourquoi de plus en plus d’experts et d’institutions préfèrent parler de « contribution à la neutralité carbone ». L’enjeu n’est pas de se déclarer « neutre », mais de montrer comment l’entreprise agit concrètement pour :

• réduire ses émissions en priorité ;

• soutenir des projets qui renforcent les puits de carbone.

Cette approche est plus crédible scientifiquement et mieux alignée avec les cadres réglementaires émergents. Elle permet aussi d’éviter le risque de « neutralité d’affichage », souvent perçue comme du greenwashing. Sur ce point, cet article dédié à la communication autour de la contribution carbone apporte des clés utiles pour éviter ces écueils.

4. Comment contribuer concrètement à la neutralité carbone ?

Pour avancer vers la neutralité carbone mondiale, les entreprises disposent de deux leviers complémentaires :

a. Réduction des émissions de gaz à effet de serre

La neutralité carbone n’est pas qu’une affaire de compensation : elle repose sur une stratégie complète qui articule plusieurs leviers. Le cadre de référence aujourd’hui le plus reconnu en France est la Net Zero Initiative, portée par Carbone 4 avec le soutien de l’ADEME (en savoir plus). Cette démarche distingue trois piliers complémentaires :

A. Réduire ses propres émissions

La priorité absolue consiste à diminuer directement son empreinte carbone, qu’elle soit directe ou indirecte (scopes 1, 2 et 3), en suivant une trajectoire alignée avec l’objectif de limitation du réchauffement à 1,5 °C. Concrètement, cela implique d’améliorer l’efficacité énergétique, de recourir davantage aux énergies renouvelables, de transformer ses processus industriels et de concevoir des produits et services plus sobres en ressources et en carbone.

B. Aider les autres à réduire

Les entreprises peuvent aussi jouer un rôle au-delà de leur propre périmètre en aidant d’autres acteurs à réduire leurs émissions. Cela passe par la mise à disposition de solutions bas-carbone (mobilité, efficacité énergétique, matériaux à faible empreinte, etc.), mais aussi par le financement de projets d’évitement hors de leur chaîne de valeur. Ces contributions élargissent l’impact positif d’une entreprise sur la décarbonation mondiale.

C. Retirer du carbone de l’atmosphère

Enfin, même après des efforts de réduction ambitieux, il restera toujours des émissions dites « résiduelles ». Les entreprises doivent alors contribuer à leur compensation en soutenant le développement de puits de carbone, qu’ils soient biologiques (forêts, sols, prairies, zones humides) ou technologiques. Ces puits permettent de séquestrer durablement du CO₂ tout en générant des co-bénéfices environnementaux et sociétaux.

Tableau de bord de la Net Zero Initiative - Source: Carbone 4 et l'ADEME

En combinant ces trois piliers, les entreprises passent d’une logique de d’un simple démarche RSE à une véritable stratégie climat alignée sur les objectifs de neutralité carbone collectifs.

b. Agir pour régénérer les puits carbone // Séquestration du CO₂ dans des puits biologiques ou technologiques

C’est sur ce troisième pilier, accroître les puits de carbone, que nous allons à présent nous concentrer. Au même titre que collectivement, l’activité humaine émet forcément des émissions, il en va de même pour les entreprises. Ainsi, peu importe l’intensité d de la décarbonation d’une entreprise, il restera forcément des émissions résiduelles. A ce titre, il est recommandé par la NZI de Carbone 4 et par l’ADEME d’agir pour les compenser. Pour cela, les entreprises peuvent soutenir des projets qui séquestrent du carbone dans des puits carbone, notamment dans les sols et les écosystèmes agricoles.

Pour garantir la crédibilité de ces démarches, il est essentiel de s’appuyer sur des référentiels robustes tels que le Label bas-carbone, seul cadre de certification climatique pour ces projets reconnu par l’État français. Ce label apporte transparence et traçabilité, et permet de s’assurer que les financements soutiennent réellement la transition agricole et écologique (voir l’article dédié).

C’est précisément l’approche que développe @link site ReSoil, en proposant aux entreprises de financer directement des projets de transition agricole labellisés bas-carbone en France. Ces projets, construits en circuit court avec les agriculteurs, assurent une rémunération juste des pratiques vertueuses et offrent aux financeurs un suivi détaillé et transparent de l’impact généré.

Enfin, agir au plus près de ses territoires renforce la valeur de l’engagement : les projets locaux offrent aux entreprises la possibilité de suivre concrètement les actions mises en œuvre, de rencontrer les porteurs de projets et d’avoir un impact positif et tangible là où elles opèrent, créant de véritables synergies territoriales.

En combinant réduction de leurs propres émissions et soutien à ces projets qui séquestrent du carbone de manière durable, les entreprises contribuent de manière crédible et durable à l’effort collectif de neutralité carbone.

©ReSoil, 2025
Visite à un projet de contribution de puits carbone - ©ReSoil, 2025

La neutralité carbone n’est pas qu’un objectif lointain : c’est un défi collectif pour limiter le réchauffement climatique. Les entreprises peuvent agir en réduisant leurs émissions et en soutenant des projets qui renforcent les puits de carbone, comme les initiatives agricoles bas-carbone de ReSoil.

Alors, tu as déjà compris ce qu’est vraiment la neutralité carbone ? En contribuant concrètement, chacun peut participer à un avenir plus durable et résilient, où l’impact collectif compte plus que le « zéro net » individuel.

Vous êtes une entreprise ou une collectivité qui souhaite contribuer à la neutralité carbone en France, dans votre département ou votre région ? Vous souhaitez faire de la compensation carbone en France dans le cadre d'une action spécifique ? Découvrez les projets de nos agriculteurs partenaires labellisés par le Labelbas-carbone, ou contactez-nous !

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