Quelle est la part de l’agriculture dans les émissions de gaz à effet de serre en France ?

27 décembre 2023

par
Luc

Moisson du blé tendre
Moisson du blé tendre

En septembre 2023, Le Haut Conseil pour le climat a publié la version grand public du résumé de son rapport annuel. Pour rappel, le Haut Conseil pour le climat est un organisme indépendant chargé d'évaluer la mise en œuvre des politiques et mesures publiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France.

La 2ème page de ce rapport est intitulée « 2022 : une année emblématique du réchauffement climatique » avec une année exceptionnellement chaude dans le climat actuel pour la France (+2,9°C par rapport à la période 1900-1930).

On apprend en page 6 de ce rapport qu’en France, la production alimentaire émet plus de gaz à effet de serre que l’ensemble de la production industrielle ! Quel rôle joue le secteur agricole dans les émissions de gaz à effet de serre de la France ? C'est le sujet que nous aborderons dans la suite de cet article 👇

L’agriculture, 2ème secteur émetteur de gaz à effet de serre en France en 2022

En 2022, en France les émissions brutes (qui n’incluent pas l’absorption du dioxyde de carbone - CO2 - par les puits de carbone) de gaz à effet de serre générées sur le territoire français ont atteint 404 millions de tonnes équivalent CO2 (Mt éqCO2).

Cette infographie ci-dessous est extraite du rapport annuel du Haut Conseil sur le Climat et montre que l’agriculture est le deuxième poste d’émissions de gaz à effet de serre en France en 2022 (~77 Mt éqCO2 – soit 19% des émissions brutes de gaz à effet de serre en 2022) derrière les transports (32%) et devant l’industrie (18%).

Emissions de GES en France en 2022 - Source : Haut Conseil pour le climat
Emissions de GES en France par secteur en 2022 - Source : Haut Conseil pour le climat

En France, au sein du secteur agricole, l’élevage est la principale source d’émissions de gaz à effet de serre (46 Mt éqCO2 soit ~60% des émissions du secteur agricole). Il s’agit principalement d’émissions de méthane (CH4), un gaz à effet de serre près de 28 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Le méthane est produit par la fermentation entérique – un processus digestif mené par des micro-organismes – des ruminants tels que les bovins, moutons, chèvres. Ces ruminants laissent échapper le méthane produit dans leur tube digestif (aussi appelé « rumen ») par des rots.

La production de cultures représente quant à elle 27% des émissions de l’agriculture (21 Mt éqCO2). La principale source d’émissions dans les cultures concerne la fertilisation azotée. En effet, dans la plupart des cas afin de favoriser la croissance des cultures et de tirer les rendements vers le haut, les agriculteurs apportent des fertilisants azotés de synthèse (i.e. minéral) ou organiques (i.e. naturels). L’azote est un élément clé pour la croissance et le développement des cultures, mais les plantes n’absorbent pas 100% de l’azote apporté. Une partie de cet azote se transforme en protoxyde d’azote (N2O) un gaz à effet de de serre 273 fois plus puissant que le dioxyde de carbone à horizon 100 ans (source : GIEC -  AR6). Les émissions de protoxyde d’azote au champ peuvent être soit :

  • directes : l’azote présent dans l’engrais se transforme directement en protoxyde d’azote ;
  • ou indirectes : l’azote présent dans l’engrais se volatilise sous forme d’ammoniac (NH3) puis une partie se transforme en protoxyde d’azote à la suite d’une autre réaction chimique appelée nitrification / dénitrification. Soit l’azote présent dans l’engrais (sous forme de nitrates) est lessivé et emporté dans les cours d’eau. Une partie des nitrates lessivés se transforme en protoxyde d’azote à la suite d’une autre réaction chimique (dénitrification).

Les autres émissions du secteur agricole concernent les émissions de dioxyde de carbone liées à l’utilisation de carburants pour les engins agricoles (~10 Mt éqCO2 soit 13% des émissions du secteur agricole).

La spécificité du secteur agricole vs. les autres secteurs vient du fait que le dioxyde de carbone n’est pas le principal gaz à effet de serre émis par ce secteur. Il s’agit du méthane et du protoxyde d’azote ! L’agriculture française représente 80% des émissions nationales de protoxyde d’azote et près de 70% de celles de méthane.

Emissions agriculture France - Source : Haut Conseil pour le climat
Emissions agriculture France - Source : Haut Conseil pour le climat

Il est aussi intéressant de noter que les émissions liées à l’industrie agroalimentaire représentent 8 Mt éqCO2 (soit 2% des émissions nationales de gaz à effet de serre en 2022). De plus, une partie des émissions générées par l’industrie chimique provient de la production d’engrais azotés servant pour fertiliser les cultures et par conséquent peuvent être attribuées à l’agriculture. En effet selon une étude publiée dans le journal Nature, sur base d'une analyse de cycle de vie ~39%  des émissions liées aux engrais azotés de synthèse se font au moment de leur production. Celle-ci étant très consommatrice de gaz naturel, une énergie fossile.

A date, en France les sols agricoles émettent plus de carbone qu’ils n’en stockent

L’autre point clé à retenir de cette infographie pour le secteur agricole est qu’en France les sols agricoles émettent plus de carbone qu’ils n’en stockent ! Si l’on se penche sur les chiffres pour le secteur UTCATF (Utilisation des Terres, du Changement d’Affectation des Terres et Foresterie – aussi appelé secteur des puits de carbone naturels) on constate que les prairies, servant notamment de pâtures pour l’élevage, agissent comme des puits de carbone absorbant annuellement 3 Mt éqCO2. Mais les terres cultivées elles rejettent dans l’atmosphère 8 Mt éqCO2 par an. Cela donne un bilan net d’émissions de 5 Mt éqCO2 soit un peu plus d’1% des émissions de gaz à effet de serre de la France.

Secteur des puits de carbone en France - Source : Haut Conseil pour le climat
Secteur des puits de carbone en France - Source : Haut Conseil pour le climat

Toutefois, selon l'étude de l'INRAE intitulée "initiative 4 pour 1000", le développement en France de pratiques agricoles dites régénératrices devrait permettre un stockage additionnel de ~21 Mt éqCO2 par an dans les sols agricoles, dont plus de 85% pour les grandes cultures (~18 Mt éqCO2 par an). L’INRAE précise également que le développement de ces pratiques agricoles réduirait également les émissions liées à la fertilisation des cultures et favoriserait la biodiversité !

Label bas-carbone, contribution carbone volontaire et réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à l’agriculture en France

Dans sa Stratégie Nationale Bas-Carbone révisée (SNBC 2) l’Etat français prévoit d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. Dans celle-ci, en 2050, les 80 Mt éqCO2 d’émissions résiduelles devraient être compensées par le développement de puits de carbone sur le territoire français. Selon ces projections à cette date l’agriculture représenteraient ~60% des émissions de la France (~48 Mt éqCO2).

De cette feuille de route, on comprend que malgré une réduction significative de 36% des émissions du secteur agricole en 2050 vs. 2022, celles-ci sont plus complexes à diminuer que celles d’autres secteurs (par exemple, baisse de 95% pour le secteur des transports sur la même période).

Qui plus est, en 2050 la SNBC 2 prévoit que ces mêmes sols agricoles (en incluant les prairies) agissent comme des puits de carbone capturant ~11 Mt éqCO2 par an.

Afin de permettre l’atteinte de cet objectif de neutralité carbone en 2050. Le Ministère de la Transition Ecologique a créé le Label bas-Carbone en 2018. Il s’agit du premier cadre de certification et de labellisation nationale de projets bas-carbone en France. L’objectif de ce Label est de fournir un cadre robuste pour permettre le financement sur le territoire français de projets qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre et/ou développent des puits de carbone. Ce financement se fait via l’achat de crédits carbone issus de projets labellisés par le Label bas-carbone. Ces crédits carbone sont achetés par des entreprises ou collectivités dans le cadre d’une démarche de contribution carbone volontaire. Pour pouvoir générer des crédits carbone il faut qu’une méthode de calcul de ceux-ci soit validée. A fin 2023, 14 méthodes ont été officiellement validées dont 6 dans le secteur agricole.

Conclusion

La transition écologique de l’agriculture française est un enjeu clé pour l’atteinte des objectifs climatiques de la France tout en assurant la sécurité alimentaire du pays. Le Label bas-carbone est un des mécanismes de financement de cette transition. L’offre de ReSoil s’inscrit dans le cadre du Label bas-carbone pour permettre d’accélérer le transition bas-carbone des exploitations agricoles en grandes cultures et polyculture élevage en France.

Toutefois, d’autres mécanismes doivent être développés et passés à l'échelle pour soutenir financièrement les agriculteurs pour leurs changements de pratiques (primes filières bas-carbone par l’agroalimentaire, aides de la PAC ciblées sur changements de pratiques, valorisation par le consommateur final…) afin d’accélérer le développement de l’agriculture régénératrice partout en France. Nous détaillerons ce point dans un prochain article.

Agriculteurs, entreprises ou collectivités, pour en savoir plus sur notre action et découvrir nos projets agricoles déjà labellisés : visitez notre site, découvrez les projets de transition de nos agriculteurs partenaires ou contactez-nous !