Que faut-il retenir de la COP 28 à Dubaï ?

21 décembre 2023

par
Maxence

Les chefs d'Etat participant à la COP28
Les chefs d'Etat participant à la COP28 ; Source : Franceinfo

La 28ème Conférence des Parties (COP28) marque un tournant crucial dans la lutte mondiale contre le changement climatique. Du 30 novembre au 13 décembre dernier, elle s'est tenue dans un contexte où l'urgence climatique exige des actions concrètes et rapides. Alors que le monde fait face à des défis environnementaux sans précédent, la COP28 visait à établir des accords et des objectifs clairs pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et accélérer la transition vers des énergies renouvelables.

Pour rappel, la Conférence des Parties (COP) est l’assemblée suprême de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), tenue annuellement depuis 1995. Ces conférences rassemblent les pays signataires de la CCNUCC pour évaluer les progrès dans la lutte contre le changement climatique et établir des engagements internationaux. Historiquement, des événements majeurs tels que l'adoption du Protocole de Kyoto en 1997 et de l'Accord de Paris en 2015 ont marqué des jalons importants. La COP28 se situe dans cette lignée, cherchant à renforcer et à concrétiser ces accords face à une crise climatique de plus en plus pressante.

Voici les 8 points à retenir de la COP 28 !

1) Le choix des Emirats Arabes Unis, pays membre de l'OPEP, comme pays d’accueil de la COP

Dubaï a été retenue comme ville hôte de la COP28 suite au processus de sélection mené par la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Ce choix tient compte de la rotation géographique, de l'engagement du pays envers les initiatives climatiques et de sa capacité à accueillir un événement international d'envergure. La sélection de Dubaï reflète également son importance stratégique et le rôle actif des Émirats Arabes Unis dans les discussions climatiques mondiales.

Evidemment, la sélection de Dubaï pour la COP28 a suscité des controverses, notamment en lien avec le rôle des Émirats Arabes Unis (EAU) au sein de l'OPEP, l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole. Les EAU, membre influent de l'OPEP, ont été perçus comme ayant des intérêts conflictuels en raison de leur dépendance économique aux énergies fossiles. Cette situation a soulevé des inquiétudes sur l'impact potentiel de ces intérêts sur les négociations et accords climatiques de la COP28.

Pour rappel, l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) est un groupe fondé en 1960, composé de pays majoritairement riches en pétrole. Son objectif principal est de coordonner et d'unifier les politiques pétrolières de ses membres, influençant ainsi le marché mondial du pétrole. À travers ses décisions, l'OPEP joue un rôle clé dans la détermination des prix du pétrole et des niveaux de production. La position de l'OPEP à la COP28, visant à protéger les intérêts des pays producteurs de pétrole, s'inscrit donc dans ce cadre plus large de défense de leurs intérêts économiques.

L'OPEP a donc joué un rôle controversé à la COP28, en incitant ses membres à refuser tout accord visant directement les énergies fossiles. Cette position a déclenché une réaction internationale forte, notamment de la part d’Etats de l'Union Européenne. Ces derniers ont critiqué cette approche, la considérant comme un obstacle majeur à l'avancement des objectifs climatiques. Cet épisode met en exergue la tension entre les intérêts des pays producteurs de pétrole et la nécessité mondiale de réduire la dépendance aux énergies fossiles. La réaction à l'attitude de l'OPEP reflète ainsi les défis politiques et économiques rencontrés dans l'élaboration de stratégies climatiques globales et cohérentes.

2) La controverse autour du Sultan Al-Jaber, président de la COP 28 et PDG du groupe pétrolier Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC)

Au-delà du choix de Dubaï comme ville hôte de la COP, le choix de son président a également été source de vives polémiques. En effet, la nomination de Sultan Al-Jaber comme président de la COP28 a suscité une controverse, en raison de son rôle de PDG d'ADNOC, soit l’une des plus grandes compagnies pétrolières mondiales. Cette double casquette a soulevé des questions d'éthique et de conflits d'intérêts, alimentant les débats sur l'influence des industries fossiles dans les politiques climatiques. Les critiques pointaient du doigt un potentiel biais favorisant les énergies fossiles, tandis que ses partisans mettaient en avant son expérience et sa connaissance du secteur énergétique. Cette situation complexe reflétait les tensions croissantes entre les impératifs environnementaux et les intérêts économiques, mettant en lumière la difficulté de naviguer dans le paysage politique et économique mondial du changement climatique.

Certains observateurs on souligné le fait qu'Al-Jaber, a joué un rôle important dans l'orchestration d'un accord sur les énergies fossiles. Initialement perçu comme favorisant les producteurs d'hydrocarbures, le texte de l'accord a évolué vers un compromis plus équilibré mais qui reste peu engageant nous le verrons dans la suite de cet article. Cette dynamique souligne la complexité des négociations climatiques, où des intérêts économiques et environnementaux divergents doivent être conciliés.

Toutefois d'autres observateurs on pointé que Mr Al-Jaber semblait être un adepte du "faites ce que je dis et non pas ce que je fais". En effet quelques jours avant la COP28, Mr Al-Jaber, portant alors sa casquette de PDG d'ADNOC avait annoncé qu'ADNOC comptait augmenter sa production de barils pétrole pour passer de 3 millions de barils par jour en 2023 à 5 millions en 2027 ! C'est près de +70% en 4 ans.

Le Sultan Al-Jaber à la COP 28
Le Sultan Al-Jaber à la COP 28 ; Source : Le Monde

3) L'Influence des lobbyistes des énergies fossiles

La COP28 a été marquée par une présence record des lobbyistes des énergies fossiles, un fait qui a soulevé des inquiétudes quant à leur influence potentielle sur les décisions et accords. La présence estimée de près de 2 500 lobbyistes accrédités pour participer à la COP28 (soit 4 fois plus que le nombre de lobbyistes présents lors de la COP27 !), dans un contexte où la réduction de la dépendance aux énergies fossiles est cruciale, a été perçue par les ONG environnementales comme un conflit d'intérêts, mettant en question l'indépendance des négociations climatiques.

4) Le Global Stocktake (Bilan Mondial) souligne le retard pris sur les Accord de Paris : +2,7 degrés de réchauffement climatique en 2100 sur la base des actions à date

Dans un premier temps, la COP28 est importante dans le cadre du Global Stocktake, car elle représente une étape clé pour évaluer les progrès réalisés depuis l'Accord de Paris. Le Global Stocktake est un bilan et un audit des politiques climatiques au niveau international afin d’évaluer si elles sont conformes avec les engagements de l’Accord de Paris, signés il y a 8 ans. Cette conférence a permis aux pays de revoir et de mettre à jour leurs Contributions Déterminées au niveau National (NDC), à l'image de la Stratégie Nationale Bas Carbone pour la France (SNBC), en vue de l'objectif global de limiter le réchauffement climatique à +1,5 degrés. La COP28 a donc joué un rôle crucial dans l'évaluation des actions entreprises et dans la détermination des prochaines étapes nécessaires pour répondre aux défis climatiques. Il est important de noter que selon le Climate Action Tracker, les actions entreprises à date nous conduisent vers un réchauffement de +2,7 degrés en moyenne à l’horizon 2100 (!!), comme le montre le schéma ci-dessous. Et les engagements pris à horizon 2030 ne le limiteraient qu'à 2,5 degrés. Le retard pris depuis la COP 21 est donc déjà considérable pour réussir à respecter les objectifs de l'Accord de Paris.

Les différentes trajectoires d'augmentation de la température moyenne mondiale
Les différentes trajectoires d'augmentation de la température moyenne mondiale ; Source : Climate Action Tracker

5) Le fonds sur les Pertes et Dommages : une victoire pour les pays en développement, mais un engagement beaucoup trop faible

Il y a un an, lors de la COP27 à Sharm el-Sheikh, une décision importante a été prise pour établir et mettre en place un fonds pour les "Pertes et Dommages". Ce fonds vise à fournir une assistance financière aux pays en développement, les plus vulnérables aux effets néfastes du changement climatique (montée du niveau de la mer, sécheresses, cyclones...). Cette initiative marque une reconnaissance de la nécessité de soutenir les pays confrontés à des catastrophes liées au climat, dépassant leur capacité de gestion ou d'atténuation. Ce fond a donc pour but de rééquilibrer les inégalités entre les pays les moins responsables du changement climatique mais qui en subissent les conséquences les plus graves.

Ainsi, dans la continuité des discussions sur le financement des pertes et dommages de la COP de l’année précédente en Egypte, la COP28 a marqué un progrès significatif dans le financement climatique avec le lancement du Fonds Pertes et Dommages. Un véritable aboutissement de trois décennies de combat des pays en développement. Néanmoins, les contributions initiales de 700 millions de dollars semblent bien modestes face aux besoins estimés à 580 milliards de dollars par an d'ici 2030 pour les pays vulnérables... La France,de son côté, s’est engagée à contribuer à hauteur de 100 millions d’euros.

Bien qu'il y ait eu un regain d'intérêt en milieu de COP, les efforts des gouvernements sur l'adaptation sont restés insuffisants. L'adaptation, essentielle pour les pays les plus vulnérables, souffre d'un manque de financement chronique. Le texte de la COP28 sur l'Objectif Mondial de l'Adaptation, fixé par l’Accord de Paris, manque de clarté sur les moyens de combler ce déficit.

6) L'Accord historique sur les énergies fossiles est-il vraiment contraignant ?

Sans nul doute, l’élément le plus marquant de cette COP 28 est l’accord sur les énergies fossiles. Perçu pour beaucoup comme un moment historique, il est aussi source de scepticisme pour certains. Bien qu'il représente un progrès significatif dans la mesure où c’est la première fois que le terme « Energies fossiles » apparait dans le texte d’une COP, son caractère non contraignant a été critiqué. L'accord souligne l'importance d'une transition énergétique, mais laisse des questions ouvertes sur son application effective et son impact réel sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les termes de l’accord appellent les Parties à une transition « loin des combustibles fossiles dans les systèmes énergétiques » (away from fossil fuels in energy systems). Il est intéressant de noter que la proposition de "phase out" des énergies fossiles a été supprimée du texte, une ligne rouge pour certains producteurs de pétrole. De plus, des critiques ont été exprimées sur le fait de se focaliser uniquement sur les systèmes énergétiques, ce qui omet les combustibles fossiles utilisés dans d'autres domaines comme la production de plastiques ou les engrais agricoles.

Ainsi, l'accord sur les énergies fossiles conclu lors de la COP28 a été historique en ce sens qu'il reconnaît la nécessité d'une transition énergétique mondiale. Toutefois, les termes précis de l'accord restent donc vagues et non contraignants. Il met l'accent sur la réduction progressive de la dépendance aux énergies fossiles, mais ne spécifie pas de calendrier ni de mesures concrètes pour y parvenir. Cela a donc suscité des critiques sur son efficacité à engager réellement les nations dans la lutte contre le changement climatique.

7) Le débat sur le captage et le stockage du carbone

Le Captage et Stockage du Carbone ou Carbon Capture and Storage (CCS) est une technologie qui vise à capter le CO2 émis par les sources industrielles et à le stocker sous terre pour éviter qu'il n'atteigne l'atmosphère. Cette technique est considérée comme un moyen potentiel pour atténuer les effets du changement climatique, en réduisant la quantité de CO2 dans l'air. Cependant, elle soulève des débats sur son efficacité, son coût, et la viabilité à long terme, en particulier par rapport à la nécessité de réduire les émissions à la source.

Le CCS a été un sujet brûlant à la COP28. Ce débat a mis en lumière les divisions entre les pays et les experts sur l'efficacité de cette technologie dans la lutte contre le changement climatique. Des pays comme l'Australie, le Canada et les États du Golfe soutiennent le CCS comme un outil essentiel, tandis que d'autres, y compris des scientifiques et des groupes écologistes, mettent en garde contre une dépendance excessive à cette technologie. Ils craignent que le CCS ne soit utilisé pour justifier la poursuite de l'utilisation des combustibles fossiles.

8) L’enjeu controversé des marchés carbone internationaux

L'Article 6.4 de l'Accord de Paris concerne la mise en place de marchés de compensation carbone internationaux. Après avoir été adopté dans le cadre de la COP 21, les règles de sa mise en œuvre devaient être rediscutées lors de la COP 28. Pour rappel, l'article 6.4 vise à permettre aux pays de collaborer sur des projets internationaux réduisant et séquestrant les émissions de CO2. Ces projets de l'Article 6 de l'Accord de Paris sont controversés car ils peuvent mettre en danger les communautés locales et ne pas respecter les droits humains. Souvent situés dans des régions vulnérables, ils peuvent entraîner des déplacements forcés et des pertes de moyens de subsistance et d'autres impacts négatifs. Ainsi, lors de la COP28, le Mexique, l'UE, l'AILAC (Alliance Indépendante d’Amérique Latine et des Caraïbes) et la CfRN (Coalition pour les nations des forêts tropicales) ont rejeté les propositions liées à l’article 6 bloquant la mise en place à grande échelle de ces projets internationaux.

En France, le Label bas carbone initié par le Ministère de la Transition Ecologique, permet le financement de projets environnementaux sur le territoire français, offrant une alternative sûre et crédibles aux projets internationaux controversés de l'Article 6. Il assure le respect de critères stricts grâce à des méthodologies robustes et des audits externes. C’est au sein de ce cadre sûr et reconnu que ReSoil développe l’ensemble de ses projets de transition agricole, qui permettent à la fois une séquestration de carbone et des réductions des émissions. Pour en apprendre plus sur nos projets agricoles, c’est par ici.

En conclusion...

La COP28 a constitué un point de départ crucial pour la lutte contre le changement climatique, en soulignant l'importance de la sortie progressive des énergies fossiles. Pour François Gemenne, politologue et membre du GIEC, c’est « bien le début de la fin des énergies fossiles qui a été acté ». Cet accord historique met en lumière la reconnaissance du problème des combustibles fossiles, bien qu'il laisse plusieurs questions en suspens, notamment sur l’efficacité d’une telle transition sans contraintes, le flou sur les délais des trajectoires de transition hors des énergies fossiles et sur le financement et l'adaptation des pays les plus vulnérables. Les dernières déclarations du Sultan Al-Jaber après la fin de la COP 28 semblent en effet confirmer ces craintes. Dans un entretien avec le Guardian, il a annoncé que son entreprise, l'ADNOC, continuerait d'investir dans les énergies fossiles. Il en est de même pour le Roi d'Arabie Saoudite, Abdel Aziz ben Salmane, qui a annoncé que l'accord n'aurait aucun impact sur les exportations de pétrole de son pays.

Dans ce contexte, il convient de rappeler que l’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée selon l’Observatoire du Climat Copernicus, comme le montre le graphique ci-dessous. De plus, selon le dernier rapport de l’UNEP (United Nations Environment Programme) sur les émissions mondiales, la concentration de gaz à effet de serre n’a jamais été aussi importante qu’en 2022. L'urgence d'agir est donc bien réelle et les efforts doivent s'intensifier.

Température moyenne de l'année 2023
Température moyenne de l'année 2023 ; Source : Observatoire du Climat Copernicus