Le Label Rouge dans les produits céréaliers : qualité supérieure et levier de transition agricole

10 octobre 2025

- par
Espérance

Dans un contexte agricole en pleine mutation, où la France doit répondre à une triple exigence — cultiver de manière plus durable, préserver les ressources naturelles et répondre aux demandes croissantes des consommateurs — les signes officiels de qualité retrouvent une place centrale. Parmi eux, le Label Rouge, longtemps perçu comme un label emblématique des produits carnés, connaît une entrée discrète mais significative dans le domaine des produits céréaliers : farines, pains, semoules. Cette évolution s'est particulièrement accélérée ces dix dernières années, avec très récemment, l'homologation de produits tels que la semoule de blé dur en décembre 2023 (INAO, 2023).

Chez ReSoil, nous œuvrons pour la santé des sols et des filières durables, dans une démarche de transition agroécologique et alimentaire, nous nous posons une question clé : Le Label Rouge, historiquement centré sur la qualité supérieur par rapport aux autres produits similaires (INAO), peut-il aujourd’hui s’affirmer comme un outil structurant de la transition agroécologique dans les filières céréalières ? Quels liens peut-il tisser entre la qualité sensorielle reconnue et la régénération des agroécosystèmes céréaliers ?

Le Label Rouge, un label historique centré sur la qualité sensorielle

Créé en 1960, le Label Rouge est un signe officiel de qualité français, reconnu par l’État et géré par l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité). Il garantit que le produit présente des caractéristiques sensorielles supérieures aux produits standards du même type, notamment en termes de goût, texture et apparence.

Historiquement, le Label Rouge est principalement associé aux produits d’origine animale : volailles fermières (poulets, canards, pintades), viandes régionales (agneau du Quercy, bœuf charolais), œufs, produits de la mer, ainsi qu’à quelques produits artisanaux traditionnels comme le pain de tradition française ou le miel.

Cette notoriété est forte auprès des consommateurs français : selon une étude 2019 du Conseil national de l’alimentation et de l’Institut national de la consommation le Label Rouge est un signe qui bénéficie d'une très forte notoriété auprès des consommateurs 95% des consommateurs connaissent le label rouge (Agriculture gouv, 2022).

Le Label Rouge se distingue par ses exigences rigoureuses. Des cahiers des charges sont élaborés à chacune des labellisations, par des professionnels et validés par l’INAO, en intégrant :

  • Des tests sensoriels comparatifs rigoureux, réalisés par des panels de consommateurs, afin d’attester la supériorité gustative ou organoleptique.
  • Une traçabilité exhaustive tout au long de la chaîne de production.
  • Des contrôles indépendants réguliers, garantissant le respect des cahiers des charges.
  • Une attention particulière portée à la qualité finale du produit (goût, texture, apparence).

Contrairement au label AB (Agriculture Biologique) qui certifie principalement des pratiques agricoles, le Label Rouge met l’accent sur le résultat sensoriel perçu par le consommateur. C’est un label de différenciation par la qualité gustative (INAO).

L’émergence du Label Rouge dans les céréales : qualité et valorisation

Ces dernières années, la filière céréalière s’est progressivement tournée vers le Label Rouge, à la recherche d’un moyen efficace de valoriser ses produits dans un marché souvent standardisé et soumis à des prix bas.

Produits céréaliers labellisés aujourd’hui :

  • Farines de blé tendre Label Rouge : principalement produites dans des régions céréalières françaises comme la Limagne (Auvergne) ou la Beauce, à partir de blés sélectionnés pour leurs qualités boulangères et organoleptiques. Elles sont souvent de type T65 (Tradition), parfois T55 (Pains blancs, gâteaux), classification donnée en fonction du taux de cendres, et sont labellisées pour garantir une traçabilité, des pratiques agricoles rigoureuses (variétés spécifiques, sans traitement après récolte) et une qualité supérieure à la farine standard (Agriculture gouv, 2022).
  • Pains traditionnels Label Rouge, fabriqués à partir de ces farines, respectant des méthodes artisanales (levain naturel, cuisson lente, absence d’additifs) permettant d’obtenir des qualités gustatives supérieures.
  • Semoule de blé dur Label Rouge, homologuée en décembre 2023, premier produit à base de blé dur à recevoir ce label (Agriculture gouv, 2023).
  • Farine de gruau de blé Label Rouge, également homologuée en décembre 2023, caractérisée par un taux de protéines élevé (≥ 12,5 %) et une capacité de gonflement importante, essentielle pour certaines applications boulangère (INAO, 2023).

Ces produits bénéficient d’une meilleure visibilité commerciale et d’une valorisation prix intéressante, car ils répondent à une demande croissante des consommateurs pour des produits authentiques, gourmands et respectueux des traditions.

Exemple de sac de farine de blé T65 label Rouge (Moulin de Nomexy)

Le Label Rouge : un levier pour la transition agroécologique dans la filière céréalière ?

Le Label Rouge est encore peu connu pour son rôle dans la transition agroécologique, mais ses cahiers des charges intègrent de plus en plus des exigences environnementales et de durabilité, qui en font un outil prometteur.

Exigences agroécologiques dans les cahiers des charges :

L’exemple de la semoule de blé dur Label Rouge illustre cette évolution (Fiche technique, INAO) :

  • Réduction raisonnée des intrants grâce aux outils d’aide à la décision (OAD) : un fractionnement en 3 apports minimum pour la fertilisation azotée et une limitation des indicateurs de fréquence des traitements phytosanitaires (3,78 IFT maximum par parcelle par an) limite l’usage excessif de produits chimiques, tandis que le recours obligatoire à des outils d’aide à la décision (OAD) favorise une utilisation raisonnée et ciblée des intrants. Cette approche combinée contribue à préserver la qualité des sols, des eaux et la biodiversité.
  • L’engagement de l’ensemble de la filière dans une démarche vertueuse de réduction des intrants. Par exemple, l'apport de fertilisants azotés est strictement encadré et les doses apportées sont plafonnées, les indicateurs de fréquence de traitements phytosanitaires pour les traitements phytosanitaires sont également plafonnés
  • Pratiques environnementales certifiées : l’intégration de dispositions du référentiel de la Certification Environnementale de niveau 2 dans le cahier des charges indique que la filière reconnaît plusieurs dimensions de la durabilité (fertilité des sols, biodiversité, gestion de l’eau, stratégie phytosanitaire).
  • Transparence / reconnaissance officielle : la publication de l’arrêté au Journal officiel, marque que ces exigences sont désormais obligatoires pour les producteurs dans cette filière Label Rouge, ce qui renforce leur mise en œuvre réelle, et est consultable pour les consommateurs (Légifrance).

Parcelle de blé dur ©ReSoil

Perspectives et enjeux pour la filière céréalière et les consommateurs

Pour les producteurs

Le Label Rouge offre aux agriculteurs une opportunité de valoriser leurs pratiques agricoles durables et leur savoir-faire. En s'engageant dans cette démarche, ils peuvent :

  • Accéder à des marchés premium : Les produits labellisés bénéficient d'une meilleure visibilité et d'une valorisation prix intéressante, répondant à une demande croissante des consommateurs pour des produits authentiques et respectueux des traditions.
  • Structurer la filière : Le cahier des charges du Label Rouge encourage une organisation collective, renforçant la coopération entre les différents acteurs de la filière.
  • Bénéficier d'un accompagnement technique : L'intégration de pratiques agroécologiques, telles que l'utilisation d'Outils d'Aide à la Décision (OAD) pour la gestion des intrants, permet aux producteurs d'améliorer la durabilité de leurs exploitations.

Pour les transformateurs et distributeurs

Les entreprises de transformation et de distribution peuvent tirer parti du Label Rouge pour :

  • Renforcer leur image de marque : En proposant des produits labellisés, elles s'associent à une démarche de qualité et de responsabilité environnementale.
  • Innover dans leurs offres : Le Label Rouge permet le développement de nouveaux produits, tels que des pains ou des pâtes, répondant aux attentes des consommateurs en matière de goût et de durabilité.
  • S'engager dans une démarche RSE : L'intégration de produits labellisés dans leur assortiment témoigne d'un engagement en faveur de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement.

Pour les consommateurs

Les consommateurs bénéficient du Label Rouge de plusieurs manières :

  • Garantie de qualité gustative : Les produits labellisés offrent une expérience sensorielle supérieure, répondant aux attentes des consommateurs en matière de goût (INAO).
  • Transparence et traçabilité : Le Label Rouge assure une traçabilité complète, permettant aux consommateurs de connaître l'origine et les méthodes de production des produits.
  • Contribution à une agriculture durable : En choisissant des produits labellisés, les consommateurs soutiennent des pratiques agricoles respectueuses de l'environnement et participent à la transition agroécologique (fertilisation raisonnée, limitation des traitements phytosanitaires, interdiction des traitements insecticides après récolte (La France Agricole, 2025).

Gouvernance collective et structuration de la filière

Le succès du Label Rouge dans les produits céréaliers repose en grande partie sur une gouvernance collective impliquant l'ensemble des acteurs de la filière : producteurs, stockeurs, meuniers, artisants boulangers (Moulins Soufflet). Cette organisation permet de garantir la cohérence des pratiques et la qualité des produits tout au long de la chaîne de valeur.

Les différents acteurs de la filière blé (©ReSoil, 2025)

Une démarche collaborative

La mise en place d'un cahier des charges spécifique au Label Rouge nécessite la collaboration de tous les maillons de la filière. Chaque acteur apporte son expertise pour définir les critères de qualité, les pratiques agricoles et les méthodes de transformation. Cette approche collaborative favorise l'émergence de solutions adaptées aux spécificités locales et aux enjeux environnementaux.

Une structuration de la filière

Le Label Rouge encourage la structuration de la filière autour de démarches collectives, telles que la constitution de groupements de producteurs ou de coopératives. Cette organisation permet de mutualiser les moyens, de partager les bonnes pratiques (démarches agroécologiques, suivi des performances environnementales) et de renforcer la compétitivité des acteurs face à la concurrence.

La filière CRC (Culture Raisonnée Contrôlée), née dès 1989 d’une volonté de promouvoir des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement et des Hommes (Agriculture Gouv, 2021), illustre cela et constitue aujourd’hui un socle technique fréquemment mobilisé dans les produits Label Rouge céréaliers (Réussir, 2019).

Un modèle économique durable

Le modèle économique du Label Rouge repose sur une valorisation des produits basée sur la qualité et l'origine. Cette valorisation permet aux producteurs de bénéficier d'un revenu mieux valorisé et d'investir dans des pratiques agricoles durables (Regolo et al., 2025; Pleinchamp, 2025). Pour les transformateurs et distributeurs, elle offre un argument marketing puissant et une différenciation sur le marché. Pour les consommateurs, elle garantit des produits de qualité, traçables et respectueux de l'environnement.

Conclusion

Le Label Rouge, historiquement associé aux produits d'origine animale, s'impose progressivement comme un levier de transition agroécologique dans la filière céréalière. Son exigence de qualité gustative, couplée à des pratiques agricoles durables, offre une voie prometteuse pour concilier plaisir alimentaire et respect de l'environnement.

Cependant, pour que cette dynamique se pérennise, il est essentiel de renforcer les critères environnementaux des cahiers des charges en les rendant plus concrets, mesurables et vérifiables. Il convient également de mobiliser l’ensemble des acteurs de la filière, ainsi que les consommateurs, autour des enjeux de la transition agroécologique, afin de garantir une adhésion durable et cohérente aux objectifs de transformation du modèle agricole.

Chez ReSoil, nous percevons dans l'intégration du Label Rouge aux produits céréaliers une opportunité majeure de concilier qualité gustative, régénération des sols et durabilité des filières agricoles. En soutenant cette démarche, nous participons activement à la construction d'un modèle agricole plus respectueux de l'environnement et plus en phase avec les attentes des consommateurs.

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