26 septembre 2025
Alors qu’on pourrait croire que le marché des chips est verrouillé par des multinationales américaines, une entreprise bretonne prouve le contraire. Altho, avec sa marque propre Brets, a réussi à se faire une place de choix dans les rayons, en misant sur le local, la transparence et un ancrage territorial fort. Décryptage du parcours d’une entreprise qui montre qu’on peut concurrencer les géants… grâce à son identité.
Le marché français des chips connaît depuis plusieurs années une croissance soutenue portée par la demande de snacking, l’apéritif et la montée en gamme des produits aromatisés.
En 10 ans (2014-2024), la croissance en volume a atteint 41%.
La croissance en valeur est encore plus forte en raison d’une montée en gamme (depuis 2021 +12,5% en volume mais +51% en valeur).
Sur l’année 2024, d’après l’étude du panéliste Circana les ventes en grandes et moyennes surfaces s’estimaient à ~ 942 millions d’euros, avec une progression de +3,6 % en valeur, et ~ 88 000 tonnes vendues, soit +2,9 % en volume par rapport à l’année précédente.
En France, le marché des chips est composé de 2 macro-segments :
Ces dernières années la croissance du marché a été portée par les chips aromatisées qui représentent 43 % du chiffre d’affaires en 2024 (406M€). Leur croissance (+10 % en valeur pour les aromatisées en 2024) contraste avec une légère baisse (-0,7% à 536M€)) pour les chips nature
En moyenne les chips aromatisées se vendent ~35% plus cher au kilo (à 12,85€) que les chips nature.
Le nombre de références disponibles en magasin est également en hausse : il est passé de 108 à ~ 120 pour les gammes de chips sur les six dernières années, ce qui reflète le dynamisme du segment innovation et diversité des saveurs. Malgré cela, la consommation par habitant reste modérée : environ 1,3 kg/an en France, nettement inférieure à celle de pays voisins comme le Royaume Uni ou la Belgique.
Sur ce marché en forte croissance, l’entreprise bretonne Altho, connu du grand public grâce à sa marque Brets réalise une croissance exponentielle depuis 3 ans et detrône progressivement les grands groupes alimentaires américains (Lay’s et Intersnack (Tyrrells, Vico).
L’histoire d’Altho débute en 1995 à Saint-Gérand, dans le Morbihan, un territoire de Bretagne marqué par une forte activité agricole. L’entreprise est alors née d’une volonté simple mais ambitieuse : valoriser la pomme de terre bretonne en produisant localement des chips de qualité.
En 2024, l’entreprise a réalisé un chiffre d’affaires de 317 millions d’euros.
Cette entreprise produit 1 chips sur 2 consommée en France (51 000 tonnes en 2024 dont un peu moins de 90% destiné au marché française).
Ces chips sont distribuées soit via :
Ce qui distingue Altho dès ses débuts, c’est sa stratégie fondée sur un lien fort avec son territoire et ses producteurs. Plutôt que de s’approvisionner sur des marchés internationaux ou de délocaliser sa production, l’entreprise a décidé de bâtir un réseau dense d’agriculteurs partenaires, 328 en 2024, tous basés dans la région Bretagne à moins de 170km de l’usine. Cette démarche permet un contrôle qualitatif de la matière première, mais aussi une relation durable avec les producteurs, souvent rémunérés à juste prix.
Cette relation directe est rare dans le secteur agroalimentaire, où les circuits sont souvent longs et complexes. Pour Altho et sa marque Brets, il s’agit d’un avantage stratégique, qui garantit une traçabilité complète, une qualité constante et une vraie valorisation du terroir breton. La marque mise donc sur un discours sincère : des chips 100 % françaises, élaborées avec des pommes de terre françaises de variété Lady Claire et Lady Rosetta.
Ce positionnement local et familial est aussi une réponse aux attentes croissantes des consommateurs, de plus en plus sensibles à la provenance et à la qualité (pour eux et l’environnement) des produits qu’ils achètent. Dans un contexte de défiance vis-à-vis des multinationales et des productions standardisées, la marque Brets incarne un modèle de production ancré dans le respect de son environnement humain et naturel.
Entre 2020 et 2024 , la marque Brets d’Altho a gagné 20 points de part de marché. En 2024, Brets est devenu la 2ème marque sur le marché de la chips en France avec une croissance en valeur de 36% tandis que la marque leader Lays accusait le coup avec une baisse de 13% de son chiffre d’affaires.
Sur un marché aussi concurrentiel que celui des chips, la qualité ne suffit pas toujours. Il faut aussi savoir surprendre et séduire les papilles des consommateurs. C’est là qu’Altho et sa marque Brets se démarquent particulièrement.
Au lieu de s’en tenir aux saveurs classiques comme le sel, l’oignon ou le barbecue ; l’entreprise bretonne propose des associations originales, qui puisent souvent dans les richesses des terroirs français et internationaux : sel de Guérande, une spécialité bretonne très prisée, fromage du Jura (son best-seller), mais aussi chèvre-miel, truffe, poivre de Sichuan, ou encore fromage à raclette et piment d’Espelette.
Best-seller de la gamme, la chips Brets saveur Fromage du Jura incarne parfaitement le succès de la marque. Plébiscitée par les consommateurs pour son goût authentique et son ancrage régional, cette référence a rencontré un tel engouement qu’elle a forcé les poids lourds du secteur, comme Lay’s et Vico, à réagir. Ces derniers ont lancé à leur tour des chips au fromage régional, preuve que Brets a su imposer une nouvelle tendance sur le marché en devenant un véritable moteur d’innovation dans l’univers des chips.
Cette créativité gustative s’accompagne d’un véritable travail sur la texture et la qualité des chips : des tranches épaisses, croustillantes, parfois même rustiques, et surtout sans arômes artificiels ni additifs. Ce choix de naturalité séduit un public.
Cette politique de goût s’inscrit également dans une dynamique d’innovation permanente. Brets ne se contente pas de lancer une ou deux références « originales », mais enrichit régulièrement son catalogue, toujours dans l’idée de surprendre, de renouveler le plaisir, et de répondre aux nouvelles tendances de consommation. Aujourd’hui, la marque propose plus de 50 références différentes de chips.
Pour soutenir sa croissance, Brets continuera à innover non seulement en nouveaux parfums de chips, mais aussi en nouvelles gammes de produits. L’entreprise a déjà diversifié son offre : elle propose des chips biologiques (labellisées AB depuis 2011), des chips de légumes variées (betterave, carotte, etc., lancées en 2013), ainsi qu’une gamme innovante de chips de sarrasin (galettes de blé noir croustillantes, primées en 2021).
Dans un rayon souvent perçu comme standardisé et dominé par les produits industriels uniformes, cette démarche crée un véritable différenciateur. Les consommateurs curieux et exigeants reconnaissent la valeur ajoutée et reviennent, renforçant ainsi la fidélité à la marque.
S’imposer sur le marché des chips à l’échelle nationale nécessite une capacité de production importante. Mais pour Altho, la croissance n’a jamais signifié renier ses valeurs initiales.
À partir de ses débuts artisanaux, l’entreprise a su industrialiser ses procédés sans perdre de vue la qualité et la maîtrise de la chaîne. En 2023, Altho réalise un chiffre d’affaires de 280 millions d’euros, un résultat impressionnant pour une entreprise, qui en fait le leader des chips aromatisées en France.
Pour faire face à cette demande croissante, l’usine historique de Saint-Gérand tourne aujourd’hui à pleine capacité. Altho a donc décidé d’investir dans un nouveau site industriel, une usine de 25 000 tonnes qui devrait être opérationnelle dès 2026. Ce projet représente un investissement de plus de 100 millions d’euros, un pari audacieux qui souligne la confiance de l’entreprise pour l’avenir.
Cette nouvelle usine sera équipée des technologies les plus modernes pour garantir productivité, qualité, et respect de l’environnement. Elle permettra aussi d’assurer une plus grande flexibilité, afin de continuer à innover et à s’adapter aux évolutions du marché.
En 2025, elle s’engage dans la structuration d’une filière tournesol 100 % française, visant à garantir son indépendance face aux cours mondiaux tout en renforçant l’emploi local. Ce projet permettra la création de 40 nouveaux postes, venant s’ajouter aux 337 emplois déjà existants.
De plus, si Brets s’est solidement établi en France, ses dirigeants voient plus loin. La marque a déjà commencé à s’exporter : on trouve des chips Brets dans une quarantaine de pays, notamment en Europe occidentale, au Canada, en Afrique du Nord et en Asie via des épiceries fines. Le groupe dispose depuis 10 ans d’une filiale au Portugal qui dessert la péninsule Ibérique, preuve d’une stratégie d’internationalisation engagée. À l’avenir, Brets compte accroître sa présence à l’international, en capitalisant sur l’attrait de la gastronomie française.
Si Brets est aujourd’hui reconnue pour la qualité de ses chips, elle l’est aussi pour son engagement sur les questions sociales et environnementales, un élément clé dans le choix des consommateurs.
De plus, Altho a revu ses usages et valorise ses eaux usées pour limiter son impact sur l’environnement. Elle a également investi dans la méthanisation, qui transforme les déchets organiques en énergie renouvelable, réduisant ainsi son empreinte écologique et assurant l'autoproduction de 34% de sa consommation d'énergie.
Certains produits de la marque sont labellisés Agri-Éthique, un label qui assure des conditions de travail équitables et une rémunération juste des producteurs. En parallèle, Altho détient depuis 2015 un label RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), témoignant d’une politique cohérente et durable en matière d’environnement, d’économie et de société.
Réduction des pesticides à la source : Sur le plan agricole, Brets promeut une agriculture raisonnée. Chaque parcelle cultivée pour la filière chips fait l’objet de mesures pour limiter l’utilisation de produits phytosanitaires, avec un indicateur de fréquence de traitement (IFT) ciblé inférieur à 17. Là où la moyenne française est à 23 IFT. Consciente de cet enjeu, Altho mène un travail de recherche sur le choix de variétés plus résistantes, en lien avec des producteurs locaux. Un effort qui, paradoxalement, pourrait rester peu visible auprès du consommateur final, puisque les produits transformés à base de pommes de terre (chips comme frites) bénéficient déjà de bonnes notes environnementales dans l’infographie d’Alternatives Économiques.
Enfin, Brets propose des chips gourmandes tout en veillant à leur qualité nutritionnelle. Depuis 2010, elles sont cuites à l’huile de tournesol high oléique, moins riche en graisses saturées, avec un salage réduit et des arômes 100 % naturels. Résultat : un Nutri-Score C.
Dans un secteur où la communication est souvent marquée par le marketing agressif, Brets a choisi une autre voie. Sa communication est sobre, honnête, centrée sur la qualité de ses produits, ses racines bretonnes, et ses engagements.
Cette stratégie est payante. Elle crée un lien authentique avec le consommateur, qui ne se sent pas simplement « ciblé » mais écouté. Brets a réussi à acquérir une réputation endogène.
C’est un positionnement qui correspond aux attentes d’une clientèle en quête de simplicité, d’authenticité et de confiance.
Un marketing astucieux à l’ère des réseaux sociaux. Malgré son succès, Brets reste une entreprise aux moyens limités face aux géants mondiaux. Faute de pouvoir s’offrir de coûteuses campagnes télévisées, la marque a misé très tôt sur le marketing digital et les réseaux sociaux pour accroître sa notoriété. Sur Instagram, Facebook, TikTok, Brets anime une communauté de fans attirés par ses saveurs originales et l’esprit convivial de la marque. Cette présence en ligne a été amplifiée par des coups de projecteur spontanés : ainsi, les célèbres youtubeurs McFly et Carlito, grands amateurs de la marque, ont demandé d’eux-mêmes à visiter l’usine, offrant à Brets une publicité gratuite auprès de millions de jeunes abonnés
Le succès commercial de Bret’ s’explique aussi par une bonne implantation dans les circuits de distribution. La marque est bien installée dans les rayons des grandes surfaces, ce qui lui assure une visibilité importante auprès des consommateurs.
Par ailleurs, Altho produit aussi pour les marques de distributeurs (MDD), un canal qui représente une part significative de son chiffre d’affaires. Cette activité permet d’augmenter les volumes, tout en optimisant les capacités industrielles.
Le modèle industriel de l’entreprise est également un atout : souple, adaptable, capable de répondre rapidement aux évolutions des goûts et des demandes du marché. Cette flexibilité est essentielle dans un univers concurrentiel où la nouveauté est souvent clé pour conserver l’attention des consommateurs.
Le développement de Brets pose des enjeux liés à son approvisionnement : notamment pour les intrants. Sa nouvelle usine à Pontivy vise une production accrue, mais suscite des inquiétudes sur son impact environnemental. La consommation d’eau, déjà importante, pourrait doubler pour atteindre environ 275 000 m³ par an. L’entreprise utilise une station d’épuration et un méthaniseur pour traiter les eaux usées et valoriser les déchets organiques.
Le succès d’Altho Brets est un bel exemple de réussite française dans un secteur dominé par les multinationales. En misant sur un ancrage local fort, une différenciation gustative audacieuse, une montée en puissance industrielle maîtrisée, et des engagements responsables, l’entreprise bretonne a su créer une marque puissante.
Avec environ 23 % de parts de marché en valeur, tout segment confondu en 2024, Brets est aujourd’hui un acteur incontournable, qui prouve qu’on peut conjuguer croissance et valeurs.